DeletedUser
Guest
J'aime bien ce texte, même si la fin est un peu bizarre.
Première partie : Pierre tabasse la mousse.
Chapitre un : Gogandine.
Entre le poing d’Achille frappant le sol et son genou coulait une rivière. On l’appelait le Styx, car il était si pollué par les déjections de la ville que la flore avait verdit les fonds, envahissant ainsi le lit de la rivière en une couverture verte ; et les reflets du soleil sur cette végétation avait fait penser à un bien vieil homme au tortueux fleuve des enfers. La pesante et encombrante statue géante du héros grec, du fier myrmidon, s'agenouillait en tapant la terre. Celle-ci se vengeait de lui en s'insinuant le long de son bras en une myriade de tresses et d'entrelacs. On aurait dit qu'il fixait le soleil ou bien la lune, comme s'il était en quête de quelque chose, un but éternel, figé par le ciel en quelques pierres sur un astre ou un autre.
Un vieillard au chapeau de paille vissé au crâne mâchouillait sa chique en pleurant sa jeunesse. Et ses larmes du rocher grossièrement sculpté descendaient jusqu'au cours d'eau. Il souffrait de cette pollution abjecte qui détruisait son bout de terrain, qui lui empêchait d'arroser ses radis avec les flots du Styx, ses vieux os préféraient marcher jusqu'au puits du village, à des lieux, que de s'empoisonner ici. Il vit un serf, pioche à la main, défilait tout le long du pont avec l'arrogance d'un mestre.
Les blés de ces hommes-là, les esclaves du seigneur y travaillant à s'en arracher le cœur pour n'y gagner que le noble mépris des aristocrates, étaient si haut que les dieux seuls – s'il en existât – devaient sentir les douces chatouilles et les longues caresses des épis. L'or se reflétait dans la blondeur des tiges et des céréales, c'était bien là une des seuls puretés de la classe supérieur. Avec la Dame, bien sûr. Elle avait toujours le sourire, toujours le mot pour rire, les yeux éclatant d'une apparente bonté d'âme et les formes aussi harmonieuses qu'une sculpture de Phidias. Avec un regard presque amoureux, ce vieil être solitaire soulevait cette beauté, ce charisme et cet aura à l'idolâtrie la plus trahissante, aussi s'était-il toujours tenu à distance de peur d'être le félon de sa propre passion.
Il tapota du plat de la main la roche agenouillée comme on le fait pour un camarade, puis il se leva prudemment, respectant chaque maux de son corps, chaque rhumatisme. Et voilà que les teintes orangées de l'astre se couchant gagnèrent les rebordes des feuilles d’olivier.
Un soupir bouscula les arbres et sema la zizanie dans les champs. Le sourire du maître était comme figé, insensible aux incessants harcèlements d’Éole, et même Hercule ou tout autre étau doué d'une force inouïe n'aurait pus rétrécir à ce moment l'opulente joie qui éclairait son visage. A ses cotés, dissimulé sous ses grises étoffes, un petit être bien chétif brûlait d'une souffrance intérieure mal dissimulé par ses traits. En son enfance les dieux avaient ignoré son cas, aussi les malheurs ne furent qu'une pluie d'échardes et de galets qui lui tranchèrent rapidement sa croissance. A travers ses yeux, au delà de l'horreur, on voyait la porte du Tartare s'ouvrant derrière mille flammes. Autre atrocité pour le moins étrange, gravé comme des centaines d'arc de cercle s'entrecroisant, des rides taillaient un lieu si rachitique, et il n'avait que l'âge d'un enfant encore … Malgré cela, il restait de l’innocence dans ses paroles, de la naïveté dans ses rares relations et un peu d'amour et de respect pour son sauveur.
Tout avait commencé quelques saisons plus tôt. Le solstice d'hivers résonnait encore dans chaque grasse panse du fortin. Les sillons n'étaient plus que des bacs à glace et l'on patinait sur chaque chemin du conté.
Première partie : Pierre tabasse la mousse.
Chapitre un : Gogandine.
Une île au loin voit sa fin, des flammes montent aux nuages et des cris gagnent de sournois abîmes. Quelques canoés et barques grossières voguent on-ne-sait-où, sans ordre ni unité, ne ramant encore que par la seule force de leur volonté. Plus loin encore, de noirs vautours chargés d’un diable fardeau s’acquittent d’un ancien serment et s’affairent à transporter pouvoir si puissant et si néfaste qu’il leur en brûle les ailes de le côtoyer. L’orbe, tantôt, fut glissée sous roches et marées bien au loin de la surface, aux entrailles de notre mère Terre. Le comploteur envolé, elle s’est déchaîné et a arraché maints maux et crevasses, fissures et tortures. Les habitants sont partis en fumée ou se sont égrainés en hurlant leurs tourments aux Dieux pour qui ils n’ont soudain plus les yeux. Les murs se sont effondrés, ou, en un son aigu, ils se sont envolés, retombant finalement telle une pluie d’échardes meurtrières tranchant gorges et jarrets. Les très chanceux survivants n’ont point attendu de se faire prier d’une nouvelle salve, et ne comprenant toujours rien à ce qu’il leur est arrivé, ils ont pris la décision d’une seule voix et mis les voiles vers des horizons plus accueillants.
Ainsi, il ricane. Son œuvre si bonnement achevée, il souligne d’un trait de sang son couronnement qui voit soudain s’agenouiller pires démons et maléfiques sorciers, plier pattes et dos pour le saluer, plus grands monstres et colosses courtiser en tremblotant et horribles adorateurs voir leurs pleurs s’écouler de leur infecte plaie rituelle tout en scandant moult mots funestes. Maintenant, bourreaux et prêtres s’engagent à arracher cœurs et âmes à tout ennemis venus sous les fanfares tonitruantes d’un orchestre macabre.
Déjà, dans leur halo sphérique et vaporeux, les Dieux craignent ces quelques forces maléfiques. Salcane couronné, il n’est pas un roi, il est juste malin. Fut-il une épée, il aurait pourfendu une montagne d’un revers incroyable et dans sa course forets et nuages se seraient effacés. Voilà les flammes léchant ses pieds qui ne demandent qu’à incendier forteresses et masures, voilà meutes affamées se frottant à lui, elles n’hurlent que pour déchirer armures et muscles, pour s’abreuver de l’essence des âmes et du courage des rois, voilà le chaos s’est assemblé sous les yeux souriants d’une seule silhouette, le maléfice et l’horreur s’échappe déjà de son aura.
« Bouh ! »
Une peur avant la peur, l’écho est encore là que les pas résonnent en bordure du monde.
Une fanfare, deux ou trois ricanements, un tambour et une lumière jaillit du néant. Un réverbère et un triste homme s'enlacent et se rejettent, l'obscurité les cerne et soudain ils vacillent. Un grand désespoir claque sous ses pas, la silhouette s'acharne à tenir debout tandis que ses jambes oscillent doucement. Essoufflé, il se retient à la frêle Lampade d'une main, et de l'autre pend un noir et long canon. Ses yeux trouvent encore la force de courir de droite à gauche, fouillant dans la nuit ce qui pouvait être une ennemi, une balle, une mort.
Un furieux tintamarre approche, on le poursuit, on rugit. De quel sournoise passion l'incrimine-t-on ? Crime, charnel ou spirituel, ces sens s'effacent, l'horreur n'a pas de nom. Ce maigre corps, squelettique dépôt de luxure, encore marqué de la bénédiction d'Appolon, a tout fait au delà des bienséances, des limites et des bornes. Un véritable fou n'est à côté de lui qu'un ridicule petit bouffon.
Il est noir, comme la nuit qui l'entoure, il n'est rien, comme les hommes qui le poursuivent, et pourtant ils bouleversent tout. Le revoilà fuyant, tirant sur ses regrets et remords, ces derniers crient, piaillent, couinent, et finissent par tomber, inertes. Son calibre ne finit pas d'éclabousser les murs d'une grossière mélancolie.
Sa chaussure se coince plus tard, il tombe sur des escaliers d'un marbre lumineux, une pierre sélénite qui éclaire soudain ses pensées. Hélas, c'est fini, trois ombres se fixent, un flou pourpre l'envahit, les dards funèbres pleuvent. Une lueur se dissipe. Les meurtriers du soir, broyés par la nuit, seront demain les héros, les défenseurs de la veuve et de l'orphelin. Après demain, un deux sera pourchassé. Dans un mois, un autre. Les décennies passeront, le dernier se suicidera.
Et tout recommencera, qui sait ?
Le réverbère lui, reste, pleure son ami, des siècles passent, on le remplace. Un autre vient.
Et tout recommencera, qui sait ?
La nuit elle, irremplaçable, broie sans distinction hommes et nations quand son heure est venue, elle part, puis revient.
Tout recommence.
ce que je préfère, c'est le titre