Croyez-vous réellement qu'un écrivain doit penser à assurer sa survie jusqu'à l'espérance de vie moyenne humaine ? Est-il concerné, selon vous, par cela ? Pour être plus précis : pensez-vous anormal qu'un écrivain ne pense pas à une vie jusqu'à sa retraite mais préfère vivre à fond sa vie de telle sorte qu'il aurait marqué celle des autres par exemple, quitte à mourir jeune ?
La formulation de ta question reste assez obscure. Je crois entendre : "
Un écrivain ne peut-il se définir que comme un être d'absolu, uniquement voué à son oeuvre, prêt à tous les sacrifices jusqu'à celui de sa vie ? Est-ce qu'il se compromettrait en concédant à la vie moderne certaines inclinations, sinon basses, du moins animales ? Comme le désir de jouir d'une notoriété, mais par là serait surtout présente l'envie de vendre et de pouvoir vivre de sa plume plutôt que celui de marquer les autres ou encore l'Histoire ? " ; et c'est donc de ça que je vais parler.
Comme beaucoup de questions, on ne peut répondre à celle-ci que par : oui et non. C'est pourquoi j'ai décidé d'aborder le problème d'un point de vue plus personnel.
Je pense que tu te rappelles des monstres, tels Balzac ou encore Zola. Moi-même, cette idée d'abnégation me fascine complètement et j'ai la tentation, parfois, de vouloir tout plaquer pour vivre pleinement ma passion, satisfaire égoïstement mon plaisir-désir de création en oubliant tout le reste. Mais voilà, la vie m'a réservé des surprises et j'ai aussi l'amour, entre-autres facéties. Peut être, aussi, suis-je d'une certaine lâcheté (qui irait bien avec mon caractère paresseux, notons-le) et que je n'ose pas m'embarquer dans un acte d'une telle radicalité et surtout d'en assumer toutes les conséquences.
D'abord, je ne me vois pas comme un écrivain, qu'on se le dise et ce n'est pas ça vers quoi je veux tendre (même si je le dis à qui veut l'entendre pour ne pas avoir à ré-expliquer sans cesse ma façon de voir les choses). Je me vois créateur, avant tout, et ça inclut l'écriture autant que la peinture, la sculpture, l'installation, l'in situ, la performance, les recherches historiques, l'analyse sociologique, la critique politique, le satirique, le dessin, la vidéo, la musique peut être, la couture, le tricot, etc. Un autre idéal m'a absorbé, celui de l'artiste total mais je parviens à le vivre (aujourd'hui encore très partiellement) tout en le conjuguant à ma vie. Le contact aux autres est nécessaire, de toute façon. A voir l'inspiration que j'ai entouré de gens (cours de classe, restaurants, etc) ou après des rencontres, des échanges, des stimulus émotionnels, etc.
Ensuite, je réprouve totalement la création pour business, dans l'art comme dans l'écriture. Assurer ses besoins, soit, devenir riche, c'est superflu et peut facilement tourner à l'aliénation.
Mourir jeune, c'est beau. J'y ai rêvé pendant toute la première moitié de ma puberté. Aujourd'hui, ce rêve m'hante encore de temps en temps. Avec d'autres manifestations : mourir théâtralement, mourir avec impact, mourir drôlement. Comme l'esprit humain est pervers.