DeletedUser331
Guest
Bonjour,
J'ouvre donc ma bibliothèque.
« Que veux-tu en échange ? demanda-t-elle dans sa langue rude. »
L'amazone et le marchand échangèrent un regard intense. Elle avait les yeux bleus, les lèvres pulpeuses, une boucle d'oreille en forme de coquille perçait son lobe gauche et une longue chevelure brune tombait jusqu'au milieu de son dos, cachée par un voile rouge, de même couleur que sa longue robe, protégeant sa tête du soleil.
L'homme était âgé d'une trentaine d'années, il avait le crâne rasé mais des cheveux hirsutes des deux côtés, une barbe liait sa moustache et il possédait un visage râpeux ainsi qu'un long chapeau pointu aux bords ronds.
Ils semblèrent communiquer à travers ce regard. Ils s'étudièrent l'un l'autre un long moment. Au bout de quelques secondes, le marchand lui répondit :
« Rien de plus que ce qu'il ne vaut. Honore ta parole et tu seras récompensée. »
Nouveau silence, nouveau regard.
« Combien en as-tu ?, le questionna-t-elle d'une voix faible.
Combien en souhaites-tu ? lui répondit-il à bride abattue.
Une vingtaine.
Je n'en possède pas autant. Vous n'en aviez pas commandés autant.
Le nombre a changé. »
Échange rapide, long silence.
« Combien en as-tu ?
Douze, comme vous l'aviez demandé.
Très bien. Voilà tes deux peaux.
Cet échange m'a été bénéfique. Je remercie ton Dieu pour cela.
Merci Kosmas, chuchota-t-elle sans qu'il puisse l'entendre. »
À ces mots, la jeune femme déposa les peaux animales sur le vieux tapis de son interlocuteur. Elle se leva silencieusement, rangea les colliers dans une de ses poches, garda le dernier en mains et sans dire un seul mot, retourna à sa place.
Le jeune commerçant se remettait de sa première rencontre avec cette belle amazone. Il les voyait pour la première fois de sa vie et pourtant, il avait déjà passé un accord avec ces dernières, sans n'avoir jamais pu rentrer jusque-là en contact direct avec elles.
Elles étaient de farouches guerrières, jolies mais usées par la guerre et la chasse. On pouvait le lire sur leurs visages ainsi qu'au grand nombre de cicatrices que chacune possédait. Celle-là n'avait pas d'oreille droite et sur ses mains, on pouvait voir la trace d'un grand nombre de blessures.
Kosmas frissonna à la pensée de son corps nu, parsemé de balafres, toutes plus importantes les unes que les autres.
« Quelle drôle de vie elles mènent ! Quel gâchis, pensa-t-il en soupirant. »
Non loin de là, une troupe de soldats surveillait les échanges des marchands. Ils avaient chauds, la saison estivale n'avait pourtant toujours pas commencé mais la température était élevée pour un mois d'avril. Ils étaient tous pressés de finir cette journée. Le lendemain serait identique, ainsi que toute la semaine à venir. Celle-ci célébrait un événement spécial : la foire dans la capitale de Jahzia Elbada qui invitait toutes les populations à participer.
La ville s'organisait autour d'une double enceinte : la première et donc la plus grande ne possédait que trois entrées. Les murs étaient surveillés par des patrouilles qui effectuaient des allers-retours. Les portes quant à elles étaient protégées par une cinquantaine de gardes qui confisquaient les armes pour éviter tout incident.
Les soldats s'aperçurent de l'absence de l'amazone qui venait pourtant tout juste de regagner sa place et décidèrent d'aller questionner une ses sœurs. Les autres partirent fouiller les environs. Peut-être était-elle rentrée dans la cité, sans permission.
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Azaïma marchait dans les rues, paisiblement. Elle venait de quitter le commerce pour accomplir la mission que son Dieu lui avait destinée. Son Dieu, voilà son seul but dans la vie : Shaalba. Plutôt devrait-elle dire sa Déesse …
L'heure de l'opération approchait. Le soleil serait bientôt à son zénith.
La jeune femme décrocha deux piques métalliques de ses cheveux et les empoigna en mains, les cachant sous les manches de sa robe.
Elle entendit derrière elle une troupe de gardes qui interrogeait plusieurs passants.
« Ils sont déjà à ma poursuite ! Je vais devoir me dépêcher, grommela-t-elle. »
Elle sortit une petite carte de sa poche et regarda le point qui y était indiqué. Elle se mit à courir, essayant de se faufiler dans l'ombre des ruelles pour passer inaperçue. Les gardes s'étaient mis, eux aussi, à courir. Elle accéléra le pas et atteignit au bout de dix minutes l'emplacement précis. C'était une petite maison inhabitée. Elle n'entendait plus les bruits des lourds pas des soldats dans son dos. Elle frappa deux coups à la porte, patienta deux secondes, puis à nouveau trois coups.
La porte s'ouvrit sur ses amis, toutes des amazones pratiquement. On pouvait également voir des hommes de cette ville, des pauvres au vue de leurs vêtements.
« Entre ! Nous t'attendons depuis trop longtemps !, s'exclama la femme qui lui avait ouvert.
Tu es poursuivie ?
Oui, une petite troupe de soldats, répliqua Azaïma.
Tu as les colliers ?
Kosmas me les a remis comme prévu. »
Elle tendit la main et distribua un par un les colliers. Ils étaient un symbole important et renforçaient la puissance de la Toute-Puissante.
« Il en manque, se fâcha un des membres.
Il n'était pas au courant des changements pour la commande, m'a-t-il dit.
Hum … On fera sans, ce n'est pas grave, intervint une autre amazone.
Il est l'heure d'y aller. Gardez le plan en tête et surtout n'oubliez pas que la transmission du poison prend une demi-heure. Fuyez avant que l'on nous remarque notre piège. »
Ils enroulèrent tous leurs pendentifs autour de leurs cous puis prièrent à genoux. Au bout de quelques minutes, ils se mirent à sortir un à un de la petite maison en chaume.
« Les gardes sont là. Éliminez-les. »
Dans la petite ruelle sombre, les soldats s'avançaient, épiant le moindre mouvement. Ils surveillaient chaque croisement de rues. Les initiés de la Déesse Shaalba les laissaient venir à eux. Ils étaient une trentaine de fanatiques contre une petite douzaine de soldats de la cité.
Les gardes ne purent rien faire. Les adorateurs se dissimulèrent si bien dans les ombres des ruelles et des toits que les gardes ne les virent pas. Les lames se plantèrent dans chaque recoin de leurs corps atteignable et le combat se termina rapidement. Un dernier homme, à genoux, supplia Azaïma de le laisser en vie. Lorsqu'il vit le serpent et la mort dans les yeux de la femme, il écarquilla les siens avec terreur. Il voulut courir et s'échapper mais l'acier l'avait déjà mordu. La pique que l'amazone tenait dans ses mains lui laissa une coupure sur le visage, profonde. Un coup sur la tête et l'homme s'affala sur le sol, inconscient. Lorsqu'il se réveillerait, la ville ne serait plus qu'un grand désastre.
Ils déplacèrent les corps en silence, rapidement. Ils reprirent leurs routes puis se séparèrent. Bientôt, Azaïma arriva dissimulée, en compagnie d'une autre fanatique, au milieu de la fête foraine.
L'opération commençait.
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Ahsmos et Hebeny, deux autres fanatiques, arrivèrent par l'ouest de la grande foire. Bientôt le nombre de passants se fit plus dense.
La femme et l'homme se regardèrent et se chuchotèrent :
« En avant ?
Accomplissons notre mission divine ma chère amie. »
Et ils s'élancèrent, bousculant les spectateurs. Ils tenaient en mains deux longues aiguilles qui ne faisaient qu'effleurer la peau de leurs victimes sans leur infliger de douleur.
Ils venaient de les condamner.
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Azaïma préférait la discrétion. Elle était déjà recherchée par la police de la ville alors elle pensait qu'il était mieux pour elle de marcher. C'était bien plus discret mais aussi bien plus lent.
Elle et sa camarade amazone se rapprochaient du centre de la foule où elles pourraient contaminer un nombre maximum de victimes.
Les groupes étaient constitués d'au minimum deux fanatiques, par mesure de sécurité, qu'importait leur sexe.
Le plan avait été préparé pendant de longs mois. La commande des pendentifs, le repérage des emplacements de la garde ainsi que la mise en application de l'opération leur avait demandé un certain temps. De même, le poison enduit dans leurs lames avait requis une précision et une attente extrême. Ils avaient finalement réussi à acquérir suffisamment d'expérience pour passer enfin à l'acte. Ce moment tant désiré était arrivé et les fanatiques pourraient enfin satisfaire la vengeance de leur Déesse. D'après leur philosophie, les hommes n'avaient pas leur place dans ce désert. Cette ville serait détruite par ses habitants.
Ils tournèrent dans la ville pendant près de dix minutes puis commencèrent à s'éloigner. Il leur fallait évacuer au plus vite, leur survie en dépendait.
« Bientôt cette cité ne serait plus qu'un tas de ruines. Pauvres habitants, pauvres idiots. Connaissez la peur et la mort. Le règne de la Déesse Shaalba commence. Apprenez sa fureur, chuchota Azaïma. »
Un passant à proximité réussit à saisir quelques mots et écarquilla les yeux. Une pique vint lui transpercer la gorge et il finit sa vie dans un râle inaudible. Les passants aux alentours n'eurent pas le temps de voir l'agresseur et s'enfuirent, par peur.
« Qu'importe, vous êtes contaminés, marmonna Azaïma. »
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Les portes de la ville avaient été renforcées suite au meurtre de l'habitant mais les fanatiques avaient prévu leur fuite. Ils déclarèrent un incendie à proximité des lieux puis attendirent patiemment que la foule enrage et rouvre les portes de la cité.
La victoire était là, inévitable. La victoire finale.
Les gardes furent appelés en renfort pour maîtriser la population qui se révoltait. C'était le secret de cette arme que tenait en main Azaïma. Un poison lent mais très efficace. La piqûre ne provoquait presque aucune douleur, un simple effleurement permettait la diffusion du poison dans le corps de la victime. Le poison provoquait une montée de violence, de colère et de force chez la victime. Elle se mettait alors à frapper tout ce qui bougeait aux environs, ennemis, amis, famille … Les effets étaient surprenants, comme ceux d'une drogue hallucinogène : désorientation, vision déformée, peur, troubles émotifs, tremblements, agitation, panique, élocution insensée …
Azaïma faisait partie des Amazones depuis sa naissance, sa mère avant elle l'avait été aussi à la fin de sa vie. Mais peu à peu, la chasse à l'animal n'avait plus suffit à cette tueuse. Elle haïssait les hommes. Ils volaient leurs territoires et avait massacré sa famille.
Puis, il y a deux ans, elle avait rejoint un autre groupe, composé de femmes mais aussi d'hommes, ce qu'elle avait au premier abord, rejeté. Puis elle s'y était faite, comprenant bien qu'ils le seraient d'une aide précieuse dans cette mission divine.
La philosophie de la Déesse Shaalba correspondait parfaitement à ses propres espérances, si bien qu'elle s'était très vite distinguée comme l'une des meilleures, une des plus assidues.
Les fanatiques avaient réussi leur mission, sans problème, sans scrupule. Ils regardèrent au loin, de dunes de sables surélevées, la perte de la cité, la fuite de ses habitants et le meurtre de leurs ennemis.
Derrière les adorateurs, un gigantesque serpent apparue, sortant des tréfonds de la terre. Un serpent femelle. La Déesse Shaalba. Elle possédait une robe d'un brun rouge, ornée d'anneaux latéraux et de tâches sombres, comme le boa arc-en-ciel, mesurant près de trente mètres de long et vingt-cinq centimètres de large. Elle écarta les côtes cervicales pour sembler encore plus imposante. Son venin était le plus puissant du monde et prédisait une mort instantanée. En plus de ses crocs venimeux, elle pouvait aussi s'enrouler autour de sa victime et la tuer par étouffement.
« Vous avez réussi mes enfants. Je suis fière de vous, siffla-t-elle. »
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La ruelle était vieille, comme le prouvait l’architecture archaïque, mais elle se révélait également sombre et froide en cette nuit d’hiver. Restaurée récemment, sa profondeur due à l’élévation de la ville était désormais bien plus flagrante. Les boutiques y étaient rares, si bien que la plupart des bâtiments n’étaient que des habitations altérées par le temps. Au début de la rue, à droite, le plus grand immeuble n’était plus qu’un tas de vieux débris et se situait en dernière position sur la liste des réparations. Il devrait attendre encore quelques années probablement. Les rues de cette ville étaient dallées et recouvertes d’une fine couche de sable du désert. À gauche, la seule et unique boutique officielle du quartier : une simple pièce où l'on pouvait, à notre guise, acheter des épices et un peu de nourriture, certes peu variée, en faible quantité et à un prix élevé.
Plus loin dans cette rue, quasiment au bout de cette dernière, après de nombreux logements habités par des mendiants principalement, une deuxième boutique se situait là, encore inconnue des forces de police, et vendait des armes diverses, allant de la simple dague à des instruments plus sophistiqués et plus mortels. En face de ce commerce, le dernier immeuble était composé d'uniquement deux fenêtres. L’architecture était simple et grossière. Il était constitué de deux étages et d’une multitude de pièces, certaines juste assez grandes pour pouvoir y faire tenir un lit simple. Au rez-de-chaussée, la plus importante salle était habitée par un vieillard et sa petite fille. Il lui racontait de courtes histoires pour l'aider à s'endormir en ces lieux dangereux et insalubres. Cette fois-ci l'enfant s'était fait bercer par une légende évoquant la destruction d’une ville par ses habitants, rongés par la folie.
Forêt de Circyl
La route à la sortie de la ville de Costle était pavée de pierres sur à peu près cent mètres et était large d'environ seize pieds. Peu après la fin du dallage, elle ne ressemblait plus qu'à un chemin puis, si l'on s'éloignait davantage, elle devenait un sentier pour enfin disparaître dans une multitude d'herbes hautes et de plantes de toutes sortes.
Non loin de là, la lisière de la forêt était en vue. Qu'importait la position, une seule et même personne ne pouvait espérer apercevoir l'entière étendue de celle-ci. Au derrière, elle s'allongeait pour ne faire qu'un avec la montagne, elle dépassait même celle-ci et c'est pourquoi aucune limitation n'avait jamais pu être clairement définie. Sur les cartes, elle apparaissait le plus souvent sous forme d'une très grosse et vulgaire approximation qui se révélait la plupart du temps totalement fausse.
Si l'on entrait et que l'on s'avançait un peu pour s'approcher du cœur de la forêt, on pouvait remarquer un brusque changement de densité, les arbres se faisant plus espacés.
Je n'ai guère besoin de vous prévenir que cette forêt est la plus dangereuse qu'il soit. Si un jour, vous avez la folle idée d'y entrer, je vous conseille fortement de ne pas y demeurer longtemps. Outre le fait que vous pouvez vous perdre, vous finirez bien avant par être dévoré par des bêtes sanguinaires. Si toutefois vous arrivez à éviter ces dangers, je ne parierais toujours pas sur votre survie. Tôt ou tard, vous mourrez, que ce soit en finissant de nourriture aux asticots ou la tête au bout d'une pique. Personne n'a jamais su qu'il existait une race d'homme dans cette forêt, des hommes différents, des hommes sauvages. En fait si, certains ont le pu découvrir par eux-mêmes. Mais cette découverte est morte en même temps que la vie quittait leurs corps, quelques minutes après. Rien qui ne puisse vraiment alerter qui que ce soit … Ces hommes étaient les seuls à avoir su résister et survécu et maintenant, ils s'étaient totalement adaptés à leur environnement. Ils étaient devenus l'unique clan d'hommes de la forêt.
Non loin du pied de la montagne, un éboulement avait récemment eu lieu et avait ainsi entraîné la chute de deux arbres. Sur la droite de la scène se trouvait un puits dans ce que l'on pourrait appeler une place. Les arbres avaient été coupés et ainsi cet amoncellement était au centre même d'un cercle. En face, le début de la montagne était clairement visible, d'une part grâce à la forte abondance de rochers et d'autre part car c'était à cet endroit là que l'inclination commençait, d'abord douce puis plus abrupte. À gauche et au derrière, la vue était bloquée par de hauts bosquets qu'on aurait peine à traverser.
Pourtant, une masse sombre s'y engouffra et traversa cet épais mélange de feuillages et de branches. Celle-ci possédait une forte stature et n'était de tout évidence, pas un être humain. Elle mesurait dans les soixante dix centimètres de haut et bientôt, ses traits se dessinèrent et elle vint s'exposer à lumière, devenant petit à petit une bête sauvage. D'abord, nous pûmes apercevoir sa tête, sans trop de précision, puis son buste et enfin ses deux pattes de devant. C'était un loup, un magnifique loup. Il possédait des yeux de couleur jaune doré, en amande, des dents acérées répondant au nombre d'une quarantaine, deux oreilles droites en forme de triangle et enfin avait une marque de blanc très particulière du bout de son nez jusqu'au milieu de ses esgourdes. Son pelage était composé de deux couleurs alliées : du marron clair et du gris tandis que ses pattes teintaient dans le beige.
Raïjïn avait bientôt deux ans et était le plus jeune de son clan. Il avait de nombreux frères et sœurs mais tous plus vieux que lui. Son choix à lui était déjà pris, il quitterait bientôt le clan de son ascendance pour aller en rejoindre un autre et ainsi pouvoir fonder sa propre famille.
Riku était le chef du clan mais c'était aussi le loup le plus ancien et le plus fort. Jusqu'à maintenant, il avait réussi à écraser chacun de ses adversaires en d'un combat singulier. Mais la vieillesse l'emportait et il se sentait faiblir, jour après jour. Il devrait alors laisser sa place après plus de treize ans de règne. Grâce à lui, leur nombre avait quasiment doublé en cet espace : ils étaient bien plus nombreux qu'avant et avaient accueilli au fil des années un total de neuf loups d'autres clans. Ainsi Riku verrait bientôt sa descendance le quitter. Seul un de ses enfants de chaque sexe resterait pour assurer la lignée du clan. Ils le devaient et le feraient. Ainsi avaient été choisis Aeris et Shura pour rester aux côtés de Riku et Saphira. Le chef du clan était en couple depuis ses trois ans et le resterait jusqu'à la fin de sa vie, avec la même femelle.
Raïjïn était un mâle d'une force impressionnante. Il avait hérité de la plus grande puissance et pesait donc dans la quatre-vingtaine pour une taille de cent trente centimètres de longueur. Il courrait également à la vitesse moyenne de trente cinq kilomètres heures et pouvait atteindre les cinquante cinq au meilleur de sa forme.
Le territoire de son clan s'étendait sur des kilomètres à la ronde, une quinzaine à peu près et ils pouvaient ainsi tous communiquer par hurlement la nuit. Ils affrontaient régulièrement d'autres clans pour pouvoir agrandir leur lieu de chasse et ainsi pouvoir affirmer leur autorité et leur force. Malgré cela, ces loups vivaient paisiblement, en tranquillité et ils étaient craint dans cette forêt. L'homme n'avait jusqu'à maintenant fait que se soumettre mais cela allait rapidement changer …
C'était lors d'une belle matinée d'hiver. Le clan de Raïjïn était éparpillé un peu partout dans la forêt. Ce dernier se baladait à une dizaine de mètres de la lisière de la forêt. Il était partit à la chasse depuis près d'une demi-heure et avait rapidement repéré les traces d'un cerf. Enfin il le tenait ! Il s'apprêtait à bondir quand il entendit des voix, non loin. Ce n'était pas le son habituel des hommes de la forêt, ce son grave et entrecoupé. Celui-ci était fluide, plus fort, plus aigüe. Le loup inclina ses oreilles dans la direction, toujours prêt à bondir sur une proie qui était partie depuis une bonne minute. Il demeura accroupit puis se mit debout pour mieux distinguer les sons.
C'était sûr, ces gens là étaient des étrangers. Il se précipita dans la direction, esquivant les arbres, sautant par dessus les arbustes. Il fixa précisément cette masse difforme qu'il voyait au loin et aiguisa ses sens. Bientôt, il put compter un, deux, cinq, dix, vingt, cinquante hommes qui venaient dans leur direction. Ils n'avaient pas un assez bon point de vue pour pouvoir être plus précis. Dépassait-il les cent ? Ceux-là étaient des brutes, pas les discrets hommes des bois. Riku lui en avait parlé déjà, à de nombreuses reprises et il l'avait mis en garde contre leurs armes et leurs manières. Ils n'étaient que des sauvages qui s'attaquaient à n'importe quel animal. Ils tuaient sans retenue.
Le loup s'avança encore un peu lorsqu'il surprit un mouvement sur sa droite. Aussitôt, il se baissa pour disparaître derrière un buisson épais.
Il y avait là un autre homme, beaucoup plus discret. Il se faufilait dans les arbres quasiment sans bruit. Régulièrement, il faisait des signes à un autre homme, quelques pas derrière lui.
Raïjïn se rendit bientôt compte qu'il était entouré. Heureusement qu'il s'était infiltré discrètement sinon, il ne serait probablement pas dans une situation si aisée.
Un homme passa à quelques mètres de lui, sans le voir. Il ne savait pas comment il devait réagir. Devait-il les fuir et demander conseil à son clan ? Qu'elles étaient les intentions de ces hommes là ?
Soudain, un hurlement résonna dans la forêt. Il vit toutes les têtes des hommes tourner dans la direction. Mais lui, il le connaissait ce bruit. Une ourse qui protège ses oursons. Il vit l'homme proche de lui tirer une arme d'un étui en cuir qui pendait le long de sa jambe gauche. Maintenant il savait. Ces hommes étaient dangereux. Il en était presque certain.
Il releva discrètement la tête et vit l'ourse en question. Il vit le combat qu'elle menait contre plus de huit hommes. Elle n'avait aucune chance mais elle pourrait infliger des pertes. Il fallait qu'il lui vienne en aide sinon toujours plus d'ennemis afflueraient vers elle. Même entre animaux, il existe un lien d'entraide. Un lien contre l'homme et ses dangers.
Raïjïn passa à l'action. Il était désormais assez proche de l'homme. Il lui sauta dessus, hurlant, et lui arracha une bonne partie du coup. Avant que le corps ne tombe à terre, l'éclaireur était mort. Désormais, toutes les têtes étaient tournés vers lui. Une flèche fusa dans sa direction mais le tir n'était pas assez précis. Il toucha un arbre à plus de quatre mètres à côté. Le loup en colère, fonça tout droit vers un autre homme. Ce dernier ne le vit qu'au dernier moment, lorsque le loup sauta d'un bosquet tout proche. Il lui laissa une marque très profonde de crocs dans la jambe et repartit, tout aussi rapidement.
Il fallait qu'il sorte de ce cercle dans lequel il était bloqué. Il aurait pu le faire silencieusement et rester invisible mais la famille ours avait besoin de lui. Il entendit un deuxième cri, probablement celui du mâle ours.
Il revint à lui rapidement, plus rapidement que sa prochaine cible. Celle-la également ne vit que l'énorme masse l'écraser de tout son poids et le mordre à plusieurs reprises. Le festin fut rapidement finit. Il repartit et fit rapidement une percée dans le cercle des hommes. Le dernier lui posa plus de problèmes que les précédents. Celui-ci était prêt et il l'avait entendu arriver. Raïjïn allait lui sauter dessus lorsqu'il vit l'arme qu'il tenait dans la main. Une expression de peur passa sur le visage de l'homme. Le loup attaqua sauta sur le côté et mordit son ennemi au mollet. Il n'avait pas pu donner plus de force à son premier coup car son adversaire était réactif et il avait balancé sa main dans sa direction presque qu'immédiatement après le bond de l'animal. Un autre homme arrivait derrière. Un homme qui s'attendait à trouver un camarade au prise avec un ennemi. Erreur monumentale.
Raïjïn avait rapidement disparu du champ de vision de sa proie actuelle. Il réfléchissait vite et en quelques mouvements il fut sur l'homme qui accourait à l'aide de son ami. Il déchira son côté gauche en laisse une profonde marque de griffes. L'homme tomba à genoux en hurlant de douleur. Il fut mort quelques instants après, quand l'animal revint à la charge dans son dos. Mais une lance se planta trop proche de son corps. Elle lui arracha quelques poils, sans plus de dommage. Le coup avait été là pour le faire fuir et elle avait probablement été lancée au hasard. Un coup qui réussit à lui faire peur. Il se remit à courir, à fuir plutôt. Le nombre d'ennemis grandissait trop vite. Tandis qu'il se pressait de retourner vers son clan, il fut bientôt nez à nez avec deux hommes brandissant deux lances. Il les évita de justesse. Il fut aussi surpris que ses deux assaillants de cette brusque rencontre. Il les contourna et bondit à nouveau sur l'un d'eux. Il fit pivoter son bassin vers la droite pour donner un coup de hanche au deuxième. Se grouper était vraiment bien plus dangereux. Le premier mourut, la gorge arrachée. Le second s'étala par terre, assommé.
Raïjïn ne put le tuer car trois autres hommes arrivèrent vers lui, trop vite. Il les esquiva du mieux qu'il put mais une flèche vint se planter dans son flanc. Cette blessure n'était pas trop importante et ne l'empêcherait pas de courir. Il fut vite hors de portée. Il allait se décider à rentrer quand il se rappela la fâcheuse position de la famille ours. Il devait s'assurer de leur sort. Les hommes les combattaient-ils encore ? Il s'approcha pas à pas de l'endroit où il les avait vu la dernière fois. C'était une véritable boucherie. Les corps avaient disparus, traînés d'après les marques sur le sol. La famille ours n'était plus de ce monde, c'était certain. Il voulut se retourner mais ne vit que trop tard l'attaque qui lui était destinée. Elle allait le pénétrer en plein sur son côté droit mais une autre arme vint le défendre, bloquant la lance ennemie. Un homme de la forêt venait d'apparaître devant lui. C'était une femme en fait. Elle avait réussi à coincer la lance à l'aide de deux haches. L'ennemi fut désarmé et reçut un violent coup au travers de l’œil qui le tua sur l'instant même. Deux autres hommes ne purent rien faire. La femme avait lancé ses deux hachettes dans leur direction. Le nombre de victimes s'éleva aussitôt à deux supplémentaires. Raïjïn et sa protectrice s'adressèrent un regard complice. Désormais, ils étaient liés. Il lui devait une vie. Elle disparue aussi vite qu'elle était arrivée, grimpant à l'arbre duquel elle était descendu. Le loup fit de même en prenant la fuite par la voie terrestre et bientôt, le groupe des hommes s'était reformé et ils contemplaient deux autres de leurs amis sans vie.
Raïjïn était de retour au camp. Son père lui avait extrait le bout de la flèche presque inoffensif qui était resté dans son corps lors de son combat. Il lui avait raconté sa lutte pour survivre et aider la famille des ours. Le chef du clan était maintenant pensif. Il avait appris par de sources sûres que leurs ennemis étaient repartis. Pourquoi n'avait-il séjourné qu'un jour dans la forêt ? C'était la première fois que des humains arrivaient à en sortir. Cela l'intriguait vraiment. Il décida tout de même d'organiser une réunion des différents clans de loups.
La réponse ne mit pas longtemps à revenir. Certains avaient refusé en prétextant que ce n'était qu'une erreur, d'autres ne voulaient se risquer pas à abandonner leur territoire pour une alerte qui pouvait se révéler fausse. Les mobiles s'enchaînaient, toujours plus choquants les uns que les autres. Comment les chefs pouvaient-ils douter de la véracité des propos d'un des leurs ? Leur puissance les avait aveuglé. C'était l'avis du clan de Riku. Bien que les corps des hommes tués n'avaient pas été trouvés et qu'il ne restait plus que des tâches de sang, cela n'expliquait pas cette soudaine inconscience. L'évènement qui était le plus marquant était la disparition de la famille de l'ours. Mais celle-ci avait été expliquée brièvement avec un quelconque motif.
La crainte du clan du loup se révéla très vite, trop vite, justifiée. Quelques mois plus tard, en début avril, par une journée de plein soleil, vers les coups de dix heures, les hommes revinrent. Leur nombre n'avait pas doublé, ni triplé. Ils étaient dix fois plus nombreux et s'étaient dispersés sur de grandes zones. Si Raïjïn avait dû évalué leur nombre, il l'aurait estimé à près un millier.
Un millier d'hommes, cela avait de quoi faire peur. Tous les animaux tremblaient devant la puissance de leurs ennemis. Le plus effrayant était peut-être le nombre d'armes. Arcs, épées, dagues, tout cela pouvait se combattre. Mais que pouvaient-ils faire face aux engins de siège qui se présentaient maintenant à la lisière de leur bien-aimé forêt ? Leur efficacité fut très vite démontrée : un lourd objet s'envola du trou dans lequel il se situait et s'abattit près de dix mètres plus loin, après avoir défoncé plusieurs arbres. Heureusement, leur nombre était limité : les hommes n'en possédaient apparemment qu'une dizaine. Tous les animaux se joignirent en groupe de même appartenance pour lutter. Un grand nombre proposa de fuir mais les plus vieux s'opposèrent farouchement : leur forêt c'était leur vie et le nombre d'ennemis n'importait que peu. Ils préféreraient mourir plutôt que de céder leur territoire, leur seul et unique lieu d'existence.
En début d'après-midi, les hommes gagnèrent du terrain encore plus vite qu'ils ne l'avaient fait auparavant. Les maigres résistances qu'ils rencontraient les rassurer et ils pensaient que leur conquête serait finalement bien plus facile qu'ils ne l'avaient imaginé.
Mais dès que le soleil commença à décliner, ils virent des hordes entières les assaillir. Des tribus entières d'animaux venaient leur causer de sérieux dommages. Le moral des troupes diminua en flèche mais ils tinrent bon et repoussèrent la défense qu'on leur opposa.
Les animaux ne pouvaient communiquer entre eux aussi bien qu'ils l'auraient souhaité. Souvent, les groupes d'assauts étaient désorganisés et les attaques se révélaient ainsi infructueuses.
De plus, certains bestiaux étaient avantagés de nuit, comme les loups et c'est pourquoi, la grosse offensive opta vers les deux heures du matin. Toute la soirée, les hommes furent harcelés sur différents fronts. Les pertes commençaient à être considérables pour les deux partis, plus pour les animaux. La force de groupe des hommes était impressionnante.
L'attaque vint, comme prévu. Les loups s'étaient rassemblés pour attaquer la partie gauche du groupe d'ennemis, mais demeuraient tout de même assez loin de la fin du côté.
Raïjïn se trouvait dans les dernières lignes. Les sages avaient décidés de lancer d'abord les loups les plus vieux car les pertes se révéleraient moins graves. Malgré cette décision, les plus jeunes n'attendirent pas et se battirent aux côtés de leurs familles, leur apportant un soutien non-négligeable.
Raïjïn s'élança alors que la lutte avait déjà commencé depuis une ou deux minutes. Le combat fut violent et il vit beaucoup de ses amis, de ses frères, beaucoup de loups et autres animaux trépasser.
Les heures passaient et les rangs ennemis ne semblaient pas s'atténuer. L'aurore pointa très vite le bout de son nez. L'avantage qu'avait les loups disparut mais le combat ne se fit pourtant pas plus désavantagé.
La guerre fut bientôt à son acmé. Un court moment, Raïjïn se retrouva seul contre cinq adversaires. Il était fatigué mais restait vigoureux. La haine qu'il nourrissait envers ces êtres cruels était sans appel et semblait infini. Il s'élançait, se repliait, mordait, arrachait de la chair et parfois même des membres entiers, hurlait, griffait, tuait. L'affrontement persistait et le jeune loup récoltait moultes blessures, toujours plus graves les unes que les autres. Il suait et son sang séchait rapidement. Bientôt, son pelage ne fut plus que de couleur rougeâtre, remplaçant les tons marrons-gris habituels.
Parmi les cinq hommes qui se tenaient auparavant face à lui, il n'en restait plus que deux. Sa première victime s'était écroulé après avoir perdu la moitié de sa jambe droite ainsi que d'avoir la gorge lacérée par la bête. La seconde avait perdu sa lance et s'était enfui, par peur. Le troisième avait tenu bon et lui avait causé une autre blessure dans le flanc. Les deux derniers l'épuisèrent très rapidement. Il fut bientôt encerclé et crut que sa dernière heure était arrivée. Heureusement pour lui, il finit par sortir de ce mauvais pas, non sans mal.
L'homme face à lui le menaçait de la lance tandis que celui de derrière attaqua avec une épée. Il esquiva le coup et saisit le bras de son antagoniste avec ses canines pour le lui laissait une marque profonde. Il n'eut le temps d'échapper à l'attaque de la lance. Celle-ci s'enfonça dans sa patte droite et Raïjïn ne pouvait désormais plus sautillait. Pendant qu'il eut fini d'arracher la gorge du premier, le second avait récupéré sa lance. Il lança un coup et elle se planta dans la terre. Avant qu'il ne puisse la ramener à lui, le loup balança sa patte arrière pour en briser le bois. Son ennemi était désormais désarmé. Il tenta de fuir mais ne fut pas assez vif.
Une flèche vint se planter quelques secondes après dans la chair du canidé. Cette fois-ci ce fut son épaule qui fut touché. Il allait s'écrouler au sol et s'enfuir quand il vit sa proximité avec l'archer. Celui-ci n'était pas très loin mais il possédait une arme à distance, redoutable quand la mobilité de la bête était plutôt mince. Raïjïn se remit en mouvement, malgré sa faiblesse et il approcha bientôt de sa cible. Trop près. L'homme l'avait vu venir et avait ramassé une épée à ses pieds. Il l'attendait de pied ferme et s'apprêtait à donner un coup circulaire qui trancherait la tête du mammifère sauvage. À la place, une hache lui ôta l'arme des mains en sectionnant son coude qui tomba au sol dans une giclée de sang. À la vue de cette blessure, le loup reprit confiance et s'apprêtait à se relancer dans le combat. Il remarqua les traits de jeune homme sauvage. C'était une femme de la forêt celle-là. Une femme qui lui avait déjà sauvé la vie. Il mit plusieurs secondes à la reconnaître. Son esprit était embrumé dû à son épuisement. Bientôt, ce ne fut pas qu'une sauvage qu'il vit mais toute une horde d'hommes et femmes de la forêt qui s'abattirent sur leurs ennemis.
Raïjïn voulu se relancer mais la fatigue et la douleur l'emportèrent. Il flancha et s'évanouit. La guerre continuait autour de lui et la dernière chose qu'il vit, ce fut son amie qui le porta pour l'éloigner d'éventuels dangers. Une fois qu'elle l'eut déposée à terre, elle s'empara à nouveau de ses deux hachettes et partit se battre.
Lorsque Raïjïn se réveilla, il était confortablement installé dans un amas de feuilles douillé. Il pouvait voir des bandages là où on l'avait blessé mais il ne reconnu pas immédiatement l'endroit. Les échos des blessés résonnaient toujours dans le crépuscule. La bataille était-elle finie ? Il voulu se relever mais fut pris de hauts de cœur et resta couché encore un peu. Il vint à remarquer que de la viande, de la chair fraiche, avait été déposée non loin de lui, à bout portant de ses canines. Il l'attrapa et l'engloutit, lentement d'abord, pour profiter du goût mielleux du sang dans sa bouche. Il vit également à côté quelques fruits qui poussaient dans la forêt, des baies principalement. Il aimait bien en manger à de rares occasions car ils facilitaient sa digestion et avait un goût plutôt plaisant. Il en avala quelques-unes et attendit de se sentir mieux pour oser se relever.
Raïjïn se réveilla pour la seconde fois, au milieu de la nuit. Finalement, le sommeil l'avait emporté à nouveau. Il se mit debout et tenta de s'appuyer sur sa patte. La douleur n'était pas trop forte et le voyage serait donc possible. Il ne vit aucune trace, aucun message de la femme qu'il l'avait sauvé.
Enfin le loup était parvenu jusqu'à son camp. Le malheur faillit l'emporter quand il vint à déplorer les nombreuses pertes. Sur les quinze membres de son clan, sans compter les enfants de Riku et Saphira, les loups morts s'élevaient à douze. Ils n'étaient donc plus que huit : trois membres survivants, lui-même et un de ses frères ainsi qu'Aeris et Shura qui ne s'était battus pour assurer la descendance. Les efforts devront être importants dans les prochaines années pour remonter ce nombre. Heureusement, un peu avant le levé du jour, son père revint avec un autre membre du clan ainsi qu'un de ses fils. Ils étaient encore onze donc plus que cinq membres du clans. On le tint au courant des nouvelles : les hommes étaient en déroute mais le champ de bataille était un véritable carnage. Sans les hommes sauvages, ils n'auraient pu gagner. Loués soient-ils.
Raïjïn eut besoin de beaucoup de repos, comme beaucoup d'entre eux. Pourtant, quand il revint à lui, il ne put trouver les membres du clan. Aeris le prévint de la vengeance des clans du loup.
J'ouvre donc ma bibliothèque.
Battle à thèmes multiples
Encore un de ces salops de riche. Jamais un seul regard pour moi. Toute leur attention reste fixée sur leur propre personne, sur leur propre petit monde. Ils me passent devant sans m'accorder d'importance, je ne suis qu'un rat misérable pour eux, une erreur de la nature. Qui sont-ils pour me juger de la sorte ? Hommes abjectes ! La seule différence entre vous et moi réside dans le fait que vous, vous semblez avoir réussi votre vie. Mais il n'en est rien. Disparaissez et observez les changements ! Qu'en est-il ? Les membres de votre famille vous pleurent à l'enterrement pour mieux faire exploser leur joie lorsqu'ils se retrouvent seuls. Vous leur aurez donné néanmoins un semblant de bonheur pendant une infime partie de temps, grâce à ce bien éphémère et trompeur qu'est l'argent. Vos amis ne vous regretteront pas vous, non non, ils regretteront de voir s'envoler ce que vous auriez pu leur apporter. Vous ne comptez pas à leurs yeux, ils ne sont intéressés que par vos moyens, moyens qui auraient pu leur permettre de s'élever.
Je ne possède pour ma part qu'un unique objet : ma clarinette. Cela me suffit amplement car le son de cet instrument réussit à me satisfaire, moi, en ma pleine intégrité. Je ne désire pas vivre dans la société d'aujourd'hui, corrompue et malsaine. Vivre dans la simplicité, voilà ma philosophie de vie. Émerveillez-vous des petits gestes, des petites manières des autres. Émerveillez-vous des sourires d'enfants, des petits signes de reconnaissance des charmantes demoiselles, de la compassion des hommes en vous voyant. Je suis peut-être clochard, clochard oui, mais je n'en reste pas moins troublé de pouvoir distinguer toutes les expressions différentes des passants qui me croisent sur leur chemin. Profitez de la vie telle qu'elle est, ne cherchez pas à avoir toujours mieux, profitez de ce que vous détenez ! C'est un bonheur simple, et gratuit, qui peut suffire à tous.
La race humaine toute entière est abâtardie ! Les valeurs ont disparu des esprits, il n'y reste plus que les principes de profits, de puissance, de mensonge, de haine, d'égoïsme.. Croyez-vous réellement que vos enfants seront heureux dans ce monde perverti ? Personnellement, j'ai arrêté de croire en l'Humanité. Autrefois, je pensais « un pour tous, tous pour un », je pensais à la solidarité, je pensais à la loyauté, à l'entraide.. Fatale erreur ! Je ne me résigne désormais qu'à : « chacun pour sa peau, chacun pour son cul !». C'est la dure réalité de la vie. Et croyez-moi cela n'en est que plus vrai quand on est mendiant, et que chaque jour, on espère avoir un minimum à manger, un minimum de petites pièces à dépenser.
Encore un de ces bourges me passent à l'instant sous le nez, sans dédaigner me concéder un seul petit regard du coin de l’œil. Il m'a vu, j'en suis sûr, mais il méprise ma nature de clochard, synonyme de sous-homme, de sous-merde. Je ne suis pas jaloux, je n'en ai pas après son argent mais après son sourire. Ne peut-il pas m'accorder ne serait-ce qu'une infime seconde pour m'adresser la parole et me mentir en me disant qu'il n'a point un sous ? Là je me sentirai humain, là je sentirai avoir du poids dans son cœur, même si ce n'est qu'une minime parcelle, là je me sentirai en tant qu'être vivant avec lequel on peut engager la discussion. Mais non, le monde n'est qu'illusions, bassesses et tromperies. Bien trop me prennent de haut, me considèrent comme inutile à la société, comme une gêne qu'il faut – ils n'iraient pas jusqu'à le dire, ils n'oseraient pas – supprimer. Bien trop me dévisagent d'un air dédaigneux. Vous ne voyez qu'un vieillard de quarante-deux ans aux longs cheveux crades, des pustules au visage avec un corps frêle. Mais jugez, jugez ! Croyez-vous vraiment pouvoir m'atteindre ainsi ? Vous n'êtes que des êtres faibles, apathiques ! Vous vivez un monde illusoire, où tout est faux ! J'espère que vous finirez comme tous ceux dont parle la presse en ce moment.
En effet, cette semaine a été chargée pour les autorités. Ce ne sont pas mes affaires, mais je vais tout de même vous en toucher un mot. Le dossier a l'air lourd, l'enjeu mystérieux. Des hommes et des femmes, en général d'importance sociale, sont retrouvés morts, le visage écarquillé de terreur. Aucune trace, aucune preuve, aucun signe n'est visible, les agents de police sont dans le flou total, ils sont perdus, dépassés. Aucun des biens des victimes ne leur est dépossédé, personne n'ose les approcher, de peur que la même malédiction les ensevelisse. À ce qu'il paraît, elles auraient vu le diable.. Les rumeurs idiotes vont bon train, la frayeur s'installe dans la ville. C'est le quatrième ou cinquième cadavre je crois, retrouvé dans cet état là. Un couvre-feu sera peut-être établi par la police pour protéger la population. Ils se trouvent qu'on cherche aussi à nous trouver un foyer où dormir, pour nous les pauvres et abandonnés. Mais je n'ai pas peur de la mort, je n'ai pas peur de ce « fameux diable », s'il existe ! Qu'il vienne, je l'attends de pied ferme. Comme disait Épicure : « La mort n'est rien pour nous tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et quand la mort existe nous ne sommes plus. ».
Alors où te caches-tu, où es-tu ? Je t'attends, je t'ouvre mes bras. La mort, je t'accueille en moi. Jamais nous ne nous croiserons. Tu viendras quand je ne serai plus. Je partirai avant que tu n'approches. Tous les deux, c'est une histoire d'amour, tous les deux nous ne faisons qu'un.
Mais la nuit tombe, messieurs, mesdames, demoiselles et damoiseaux, et je suis au regret de vous dire que je m'en vais fouiller les ordures. N'insistez pas, ne me retenez pas, le temps presse, je me dois de vous quitter. Je vous laisse, nous nous reverrons plus vite que vous ne le pensez.
L'obscurité assombrit progressivement la ville prisonnière d'un terrible étau, d'une violente tension dans l'air. La mort plane au-dessus des têtes. Les rues devraient être désertes et pourtant, en voilà un qui rôde, un de plus.. Il n'a pas peur cet idiot de circuler encore dans mes rues à cette heure tardive. Il n'a pas compris que désormais la nuit m'appartient, j'en suis le maître absolu. Va-t-en rentrer chez toi, file ou je t'attrape, et tu subiras le même sort que les autres. Mais tu ne m'intéresses pas car je me souviens de toi, je me souviens toi.. Et ton cœur reste pur, et, je l'espère, le restera.
Je continue d'errer dans cette mégalopole, je traque mes proies, certaines ne sont plus bien loin. Là, celui-là, c'est le bon. On s'est déjà rencontré, mais tu n'en as aucun souvenir. Je ne suis qu'un inconnu pour toi, un parfait inconnu. Mon visage ne t'est pas familier.
Néanmoins la sentence de mort doit s'abattre sur toi, telle est ta cruelle destinée. Tu aurais dû te méfier, rester auprès de ta maîtresse, au chaud, puis rentrer avec ta voiture de luxe voir ta femme. Mais non, en vrai tu es lessivé. Ta vie ne se résume à rien, elle est inutile. Sais-tu seulement pourquoi ? Tu es un salaud, et tout est dit. Avare, rapace, et la liste est longue, très longue. As-tu seulement fait dans ta vie, une seule fois, acte de charité ? Aide-tu ton fils handicapé à se lever le matin pour partir en cours ? Non, tu fuis ton existence, tu fuis tes responsabilités, tu n'es qu'un lâche, un pleutre, un moins que rien qui se cache derrière ses airs supérieurs, ses airs de riche. Tu ignores tout du sens de la vie. Tu crois naïvement que l'argent demeure la solution à tes problèmes. Crevard infâme.
Je te tourne autour depuis près de vingt minutes. Tu dois mourir, tu n'as pas su prouver ta valeur, ton utilité. L'heure fatale arrive à grands pas. Tu quitteras prochainement ce monde mais tu n'en as pas conscience. Je te suis tel des vautours qui tournent autour de la charpie, d'un corps en décomposition. Tu vas accéder au privilège de découvrir un monde nouveau où tu pourriras le reste de ton existence. Adieu, c'est l'heure. Je t'imagine d'ici – en effet je suis déjà loin, très loin, à nouveau en quête – la tête te tourne, le destin t'accepte et t’engloutit. Adieu. Bons vents. Que l'effroi t'accompagne et te déchiquette.
Un cri retentit au loin, un cri horrible, un cri inhumain. Au milieu d'une ruelle sombre, un homme s'agrippe le cœur de la main gauche, et s'enroule son bras droit autour de son crâne. Il presse ainsi ses membres indolents et dorénavant inutiles car sa fin s'approche à grands pas. Il hurle de douleur, se griffe, s'arrache la peau et les cheveux, il trébuche, la souffrance apparaît ignoble. On voit dans ses yeux toutes les monstruosités qu'il aperçoit dans ses extrêmes instants de vie. Ses globes oculaires s'écarquillent, s'injectent de sang, son visage se fait livide, flasque, son cœur cesse de fonctionner, son cerveau éclate littéralement, tous les vaisseaux sanguins, toutes ses veines explosent d'un même coup brutal. Son corps se convulsionne, il chute rudement au sol, un rictus aux lèvres, tout dynamisme l'a quitté, toute vigueur. Il ne reste plus qu'un corps vide, l'esprit est ailleurs, emprisonné dans des abîmes infernales. Une ordure de moins en ce monde.
Cette nuit horrible s'ancre dans les mémoires des Hommes, les cas de décès augmentent en flèche au fur et à mesure que la lune progresse dans le ciel. Demain sera un jour difficile pour tous. Les cadavres jonchent les rues, les maisons, le sang dégouline des murs, sur le sol, dans les égouts. Personne n'y échappe. L'horreur s'empare de tous, et tous y succombent en toute légitimité, si telle est leur fatalité.
Une mince silhouette silencieuse se profile dans le centre-ville. Elle poursuit cette ombre, ce personnage mystérieux, depuis peu. C'est un homme d'une vingtaine d'années, il est terrifié. Il vient de voir, sous ses yeux, son père décéder. Il est sortit de chez lui pour affronter ce mal qui s'empare de tout et de tous. Il a alors remarqué cet homme marchant seul, paisiblement, ce dernier lui semble étrange. Comment peut-on rester si serein ? À moins qu'il ne soit un envoyé du diable ? Tout le monde le pense, tout le monde le dit, et si c'était vrai ? Peut-être n'est-ce qu'un fou inconscient ?
Armé, il préfère s'en assurer. Il se rapproche petit à petit. Mais l'homme l'a senti, il commence à courir, à s'échapper. Serait-ce éventuellement un innocent désormais effrayé ? Il n'en est pas sûr, alors il lui court derrière. Il lui crie de ne pas s'inquiéter, qu'il est inoffensif. Rien n'arrête le fuyard, pas si trouillard que cela. Pourtant quelque chose le trouble, la démarche du fugitif se révèle fluide, calme, malgré la situation. Ce dernier tourne au coin de la rue, et s'échappe de la vision du pauvre jeune homme insouciant. Il accélère le rythme, vire à son tour.. et lui rentre littéralement dedans. Il panique, sort son arme blanche pour se défendre. L'autre esquive un geste de recul et lui lance un regard interrogateur.
« Pourquoi me suis-tu ? Tu as le cœur encore assez noble, rentre chez toi, gamin. Ce ne sont pas tes histoires, ne t'en mêle pas, vis ta vie.
Vous.. vous.. Qui êtes-vous ? Qui.. qui êtes-vous donc ? C'est vous qui faîtes tout cela ?
Je ne fais rien, s'ils meurent, c'est qu'ils le devaient. Pars, d'autres affaires m'attendent.
Ne bougez-pas ! C'est vous qui avez tué mon père ? Mon père ?! hurle le garçon désarçonné. Pourquoi ?! »
L'autre, vif, balance sa main en direction de la tête de son interlocuteur. Il lui la saisit avec douceur avant que l'autre puisse seulement bouger. Il la tient désormais entre ses doigts, il l'approche de sa poitrine et lui murmure des mots délicats et inaudibles à l'oreille. Puis il pivote, fait demi-tour tout aussi rapidement et continue bientôt tranquillement sa route. L'homme innocent est resté debout, il se réveille pourtant, sort péniblement de son songe apparemment douillet, agréable. Il tente vainement de le suivre, sans succès. Chaque pas lui semble plus lourd, son corps l'écrase, il met un premier genou à terre puis s’affale de tout son long, perd connaissance, s'endort. Il se rappelle avoir eu le temps de voir cet individu se retourner, et lui sourire, peut-être même lui faire un signe de la main.
Il se réveille, allongé sur son lit, parfaitement en forme. Le temps est clair, le soleil est probablement levé depuis quelques heures déjà. Ses souvenirs lui semblent lointains. Était-ce un rêve ? Serait-ce possible ? Il vit désormais dans un appartement, en cohabitation avec sa copine. Quoi ? Comment sait-il tout cela ? Sa dernière réminiscence remonte à la mort de son père. Que s'est-il passé ? Pourquoi habiterait-il avec une fille qu'il ne connaît pas, dans un logement comme celui-ci ?
Justement, la voilà qui arrive. Qu'il la trouve belle.. Mais d'où se connaissent-ils ?
« Enfin réveillé ? Dépêche-toi, on va être en retard en cours pour l'université. »
Voyant qu'il ne réagit pas, elle insiste.
« Allez bouge-toi ma parole ! Qu'est-ce tu fous ? Pourquoi tu me mates comme ça ? T'as perdu la tête ou quoi ? Faut qu'on s'grouille ! Si j'me chope encore un retard, j'suis bonne pour une sale appréciation ! Tu te souviens ? Oh ! J'te parle, reviens sur terre vieux. Oh ! »
Il se lève, tout déboussolé. Que lui est-il arrivé ? Lui à l'université ?
« On est le combien, demande-t-il idiotement.
Tu t'fous d'moi ? Pourquoi tu m'dis ça ? »
Voyant qu'il ne réagit pas et semble tenir de l'importance à sa réponse, elle souffle un bon coup, et lui jette finalement la date en pleine tête.
« Si j'te le dis, tu me promets de t'habiller rapidement pour qu'on file ok ?! On est le 12 février 2012 idiot. Content ? dit-elle avant de sortir. »
Quoi ?! En 2012 ? Mais.. mais ce n'est pas possible ! Elle se paie ma tête ? J'ai l'air si con que ça, tu crois que je vais gober tes conneries ?
Absolument sûr de lui, il ouvre son ordinateur – c'est quoi cet ordinateur d'ailleurs ? – , le déverrouille – comment il connaît le mot de passe ? – et jette un rapide coup d’œil à la date d'aujourd'hui.
Jeudi 12 février 2012
Hein ? C'est quoi cette mauvaise, très mauvaise blague ? Il tape des mots sur internet : 12 février 2011. Rien. Puis : Horreur 12 février 2011. Rien. Enfin : morts 12 février 2011. Là il tombe sur un long article détaillant avec précisions le taux aigu du nombre de décès lors de cette nuit, le chiffre aurait visiblement triplé. Morts naturelles. Un an serait passé ? Un an ? Sans qu'il en est conscience ? Bordel de merde, c'est quoi ces conneries ?
Elodie – Elodie ? – arrive calmement derrière lui, lui baise la joue et lui souffle timidement :
« Tu penses encore à lui ? J'suis désolée. »
Silence.
« Allez viens, faut qu'on y aille. On passera déposer des fleurs tout à l'heure. »
L'hypnotiseur
Encore un de ces salops de riche. Jamais un seul regard pour moi. Toute leur attention reste fixée sur leur propre personne, sur leur propre petit monde. Ils me passent devant sans m'accorder d'importance, je ne suis qu'un rat misérable pour eux, une erreur de la nature. Qui sont-ils pour me juger de la sorte ? Hommes abjectes ! La seule différence entre vous et moi réside dans le fait que vous, vous semblez avoir réussi votre vie. Mais il n'en est rien. Disparaissez et observez les changements ! Qu'en est-il ? Les membres de votre famille vous pleurent à l'enterrement pour mieux faire exploser leur joie lorsqu'ils se retrouvent seuls. Vous leur aurez donné néanmoins un semblant de bonheur pendant une infime partie de temps, grâce à ce bien éphémère et trompeur qu'est l'argent. Vos amis ne vous regretteront pas vous, non non, ils regretteront de voir s'envoler ce que vous auriez pu leur apporter. Vous ne comptez pas à leurs yeux, ils ne sont intéressés que par vos moyens, moyens qui auraient pu leur permettre de s'élever.
Je ne possède pour ma part qu'un unique objet : ma clarinette. Cela me suffit amplement car le son de cet instrument réussit à me satisfaire, moi, en ma pleine intégrité. Je ne désire pas vivre dans la société d'aujourd'hui, corrompue et malsaine. Vivre dans la simplicité, voilà ma philosophie de vie. Émerveillez-vous des petits gestes, des petites manières des autres. Émerveillez-vous des sourires d'enfants, des petits signes de reconnaissance des charmantes demoiselles, de la compassion des hommes en vous voyant. Je suis peut-être clochard, clochard oui, mais je n'en reste pas moins troublé de pouvoir distinguer toutes les expressions différentes des passants qui me croisent sur leur chemin. Profitez de la vie telle qu'elle est, ne cherchez pas à avoir toujours mieux, profitez de ce que vous détenez ! C'est un bonheur simple, et gratuit, qui peut suffire à tous.
La race humaine toute entière est abâtardie ! Les valeurs ont disparu des esprits, il n'y reste plus que les principes de profits, de puissance, de mensonge, de haine, d'égoïsme.. Croyez-vous réellement que vos enfants seront heureux dans ce monde perverti ? Personnellement, j'ai arrêté de croire en l'Humanité. Autrefois, je pensais « un pour tous, tous pour un », je pensais à la solidarité, je pensais à la loyauté, à l'entraide.. Fatale erreur ! Je ne me résigne désormais qu'à : « chacun pour sa peau, chacun pour son cul !». C'est la dure réalité de la vie. Et croyez-moi cela n'en est que plus vrai quand on est mendiant, et que chaque jour, on espère avoir un minimum à manger, un minimum de petites pièces à dépenser.
Encore un de ces bourges me passent à l'instant sous le nez, sans dédaigner me concéder un seul petit regard du coin de l’œil. Il m'a vu, j'en suis sûr, mais il méprise ma nature de clochard, synonyme de sous-homme, de sous-merde. Je ne suis pas jaloux, je n'en ai pas après son argent mais après son sourire. Ne peut-il pas m'accorder ne serait-ce qu'une infime seconde pour m'adresser la parole et me mentir en me disant qu'il n'a point un sous ? Là je me sentirai humain, là je sentirai avoir du poids dans son cœur, même si ce n'est qu'une minime parcelle, là je me sentirai en tant qu'être vivant avec lequel on peut engager la discussion. Mais non, le monde n'est qu'illusions, bassesses et tromperies. Bien trop me prennent de haut, me considèrent comme inutile à la société, comme une gêne qu'il faut – ils n'iraient pas jusqu'à le dire, ils n'oseraient pas – supprimer. Bien trop me dévisagent d'un air dédaigneux. Vous ne voyez qu'un vieillard de quarante-deux ans aux longs cheveux crades, des pustules au visage avec un corps frêle. Mais jugez, jugez ! Croyez-vous vraiment pouvoir m'atteindre ainsi ? Vous n'êtes que des êtres faibles, apathiques ! Vous vivez un monde illusoire, où tout est faux ! J'espère que vous finirez comme tous ceux dont parle la presse en ce moment.
En effet, cette semaine a été chargée pour les autorités. Ce ne sont pas mes affaires, mais je vais tout de même vous en toucher un mot. Le dossier a l'air lourd, l'enjeu mystérieux. Des hommes et des femmes, en général d'importance sociale, sont retrouvés morts, le visage écarquillé de terreur. Aucune trace, aucune preuve, aucun signe n'est visible, les agents de police sont dans le flou total, ils sont perdus, dépassés. Aucun des biens des victimes ne leur est dépossédé, personne n'ose les approcher, de peur que la même malédiction les ensevelisse. À ce qu'il paraît, elles auraient vu le diable.. Les rumeurs idiotes vont bon train, la frayeur s'installe dans la ville. C'est le quatrième ou cinquième cadavre je crois, retrouvé dans cet état là. Un couvre-feu sera peut-être établi par la police pour protéger la population. Ils se trouvent qu'on cherche aussi à nous trouver un foyer où dormir, pour nous les pauvres et abandonnés. Mais je n'ai pas peur de la mort, je n'ai pas peur de ce « fameux diable », s'il existe ! Qu'il vienne, je l'attends de pied ferme. Comme disait Épicure : « La mort n'est rien pour nous tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et quand la mort existe nous ne sommes plus. ».
Alors où te caches-tu, où es-tu ? Je t'attends, je t'ouvre mes bras. La mort, je t'accueille en moi. Jamais nous ne nous croiserons. Tu viendras quand je ne serai plus. Je partirai avant que tu n'approches. Tous les deux, c'est une histoire d'amour, tous les deux nous ne faisons qu'un.
Mais la nuit tombe, messieurs, mesdames, demoiselles et damoiseaux, et je suis au regret de vous dire que je m'en vais fouiller les ordures. N'insistez pas, ne me retenez pas, le temps presse, je me dois de vous quitter. Je vous laisse, nous nous reverrons plus vite que vous ne le pensez.
L'obscurité assombrit progressivement la ville prisonnière d'un terrible étau, d'une violente tension dans l'air. La mort plane au-dessus des têtes. Les rues devraient être désertes et pourtant, en voilà un qui rôde, un de plus.. Il n'a pas peur cet idiot de circuler encore dans mes rues à cette heure tardive. Il n'a pas compris que désormais la nuit m'appartient, j'en suis le maître absolu. Va-t-en rentrer chez toi, file ou je t'attrape, et tu subiras le même sort que les autres. Mais tu ne m'intéresses pas car je me souviens de toi, je me souviens toi.. Et ton cœur reste pur, et, je l'espère, le restera.
Je continue d'errer dans cette mégalopole, je traque mes proies, certaines ne sont plus bien loin. Là, celui-là, c'est le bon. On s'est déjà rencontré, mais tu n'en as aucun souvenir. Je ne suis qu'un inconnu pour toi, un parfait inconnu. Mon visage ne t'est pas familier.
Néanmoins la sentence de mort doit s'abattre sur toi, telle est ta cruelle destinée. Tu aurais dû te méfier, rester auprès de ta maîtresse, au chaud, puis rentrer avec ta voiture de luxe voir ta femme. Mais non, en vrai tu es lessivé. Ta vie ne se résume à rien, elle est inutile. Sais-tu seulement pourquoi ? Tu es un salaud, et tout est dit. Avare, rapace, et la liste est longue, très longue. As-tu seulement fait dans ta vie, une seule fois, acte de charité ? Aide-tu ton fils handicapé à se lever le matin pour partir en cours ? Non, tu fuis ton existence, tu fuis tes responsabilités, tu n'es qu'un lâche, un pleutre, un moins que rien qui se cache derrière ses airs supérieurs, ses airs de riche. Tu ignores tout du sens de la vie. Tu crois naïvement que l'argent demeure la solution à tes problèmes. Crevard infâme.
Je te tourne autour depuis près de vingt minutes. Tu dois mourir, tu n'as pas su prouver ta valeur, ton utilité. L'heure fatale arrive à grands pas. Tu quitteras prochainement ce monde mais tu n'en as pas conscience. Je te suis tel des vautours qui tournent autour de la charpie, d'un corps en décomposition. Tu vas accéder au privilège de découvrir un monde nouveau où tu pourriras le reste de ton existence. Adieu, c'est l'heure. Je t'imagine d'ici – en effet je suis déjà loin, très loin, à nouveau en quête – la tête te tourne, le destin t'accepte et t’engloutit. Adieu. Bons vents. Que l'effroi t'accompagne et te déchiquette.
Un cri retentit au loin, un cri horrible, un cri inhumain. Au milieu d'une ruelle sombre, un homme s'agrippe le cœur de la main gauche, et s'enroule son bras droit autour de son crâne. Il presse ainsi ses membres indolents et dorénavant inutiles car sa fin s'approche à grands pas. Il hurle de douleur, se griffe, s'arrache la peau et les cheveux, il trébuche, la souffrance apparaît ignoble. On voit dans ses yeux toutes les monstruosités qu'il aperçoit dans ses extrêmes instants de vie. Ses globes oculaires s'écarquillent, s'injectent de sang, son visage se fait livide, flasque, son cœur cesse de fonctionner, son cerveau éclate littéralement, tous les vaisseaux sanguins, toutes ses veines explosent d'un même coup brutal. Son corps se convulsionne, il chute rudement au sol, un rictus aux lèvres, tout dynamisme l'a quitté, toute vigueur. Il ne reste plus qu'un corps vide, l'esprit est ailleurs, emprisonné dans des abîmes infernales. Une ordure de moins en ce monde.
Cette nuit horrible s'ancre dans les mémoires des Hommes, les cas de décès augmentent en flèche au fur et à mesure que la lune progresse dans le ciel. Demain sera un jour difficile pour tous. Les cadavres jonchent les rues, les maisons, le sang dégouline des murs, sur le sol, dans les égouts. Personne n'y échappe. L'horreur s'empare de tous, et tous y succombent en toute légitimité, si telle est leur fatalité.
Une mince silhouette silencieuse se profile dans le centre-ville. Elle poursuit cette ombre, ce personnage mystérieux, depuis peu. C'est un homme d'une vingtaine d'années, il est terrifié. Il vient de voir, sous ses yeux, son père décéder. Il est sortit de chez lui pour affronter ce mal qui s'empare de tout et de tous. Il a alors remarqué cet homme marchant seul, paisiblement, ce dernier lui semble étrange. Comment peut-on rester si serein ? À moins qu'il ne soit un envoyé du diable ? Tout le monde le pense, tout le monde le dit, et si c'était vrai ? Peut-être n'est-ce qu'un fou inconscient ?
Armé, il préfère s'en assurer. Il se rapproche petit à petit. Mais l'homme l'a senti, il commence à courir, à s'échapper. Serait-ce éventuellement un innocent désormais effrayé ? Il n'en est pas sûr, alors il lui court derrière. Il lui crie de ne pas s'inquiéter, qu'il est inoffensif. Rien n'arrête le fuyard, pas si trouillard que cela. Pourtant quelque chose le trouble, la démarche du fugitif se révèle fluide, calme, malgré la situation. Ce dernier tourne au coin de la rue, et s'échappe de la vision du pauvre jeune homme insouciant. Il accélère le rythme, vire à son tour.. et lui rentre littéralement dedans. Il panique, sort son arme blanche pour se défendre. L'autre esquive un geste de recul et lui lance un regard interrogateur.
« Pourquoi me suis-tu ? Tu as le cœur encore assez noble, rentre chez toi, gamin. Ce ne sont pas tes histoires, ne t'en mêle pas, vis ta vie.
Vous.. vous.. Qui êtes-vous ? Qui.. qui êtes-vous donc ? C'est vous qui faîtes tout cela ?
Je ne fais rien, s'ils meurent, c'est qu'ils le devaient. Pars, d'autres affaires m'attendent.
Ne bougez-pas ! C'est vous qui avez tué mon père ? Mon père ?! hurle le garçon désarçonné. Pourquoi ?! »
L'autre, vif, balance sa main en direction de la tête de son interlocuteur. Il lui la saisit avec douceur avant que l'autre puisse seulement bouger. Il la tient désormais entre ses doigts, il l'approche de sa poitrine et lui murmure des mots délicats et inaudibles à l'oreille. Puis il pivote, fait demi-tour tout aussi rapidement et continue bientôt tranquillement sa route. L'homme innocent est resté debout, il se réveille pourtant, sort péniblement de son songe apparemment douillet, agréable. Il tente vainement de le suivre, sans succès. Chaque pas lui semble plus lourd, son corps l'écrase, il met un premier genou à terre puis s’affale de tout son long, perd connaissance, s'endort. Il se rappelle avoir eu le temps de voir cet individu se retourner, et lui sourire, peut-être même lui faire un signe de la main.
Il se réveille, allongé sur son lit, parfaitement en forme. Le temps est clair, le soleil est probablement levé depuis quelques heures déjà. Ses souvenirs lui semblent lointains. Était-ce un rêve ? Serait-ce possible ? Il vit désormais dans un appartement, en cohabitation avec sa copine. Quoi ? Comment sait-il tout cela ? Sa dernière réminiscence remonte à la mort de son père. Que s'est-il passé ? Pourquoi habiterait-il avec une fille qu'il ne connaît pas, dans un logement comme celui-ci ?
Justement, la voilà qui arrive. Qu'il la trouve belle.. Mais d'où se connaissent-ils ?
« Enfin réveillé ? Dépêche-toi, on va être en retard en cours pour l'université. »
Voyant qu'il ne réagit pas, elle insiste.
« Allez bouge-toi ma parole ! Qu'est-ce tu fous ? Pourquoi tu me mates comme ça ? T'as perdu la tête ou quoi ? Faut qu'on s'grouille ! Si j'me chope encore un retard, j'suis bonne pour une sale appréciation ! Tu te souviens ? Oh ! J'te parle, reviens sur terre vieux. Oh ! »
Il se lève, tout déboussolé. Que lui est-il arrivé ? Lui à l'université ?
« On est le combien, demande-t-il idiotement.
Tu t'fous d'moi ? Pourquoi tu m'dis ça ? »
Voyant qu'il ne réagit pas et semble tenir de l'importance à sa réponse, elle souffle un bon coup, et lui jette finalement la date en pleine tête.
« Si j'te le dis, tu me promets de t'habiller rapidement pour qu'on file ok ?! On est le 12 février 2012 idiot. Content ? dit-elle avant de sortir. »
Quoi ?! En 2012 ? Mais.. mais ce n'est pas possible ! Elle se paie ma tête ? J'ai l'air si con que ça, tu crois que je vais gober tes conneries ?
Absolument sûr de lui, il ouvre son ordinateur – c'est quoi cet ordinateur d'ailleurs ? – , le déverrouille – comment il connaît le mot de passe ? – et jette un rapide coup d’œil à la date d'aujourd'hui.
Jeudi 12 février 2012
Hein ? C'est quoi cette mauvaise, très mauvaise blague ? Il tape des mots sur internet : 12 février 2011. Rien. Puis : Horreur 12 février 2011. Rien. Enfin : morts 12 février 2011. Là il tombe sur un long article détaillant avec précisions le taux aigu du nombre de décès lors de cette nuit, le chiffre aurait visiblement triplé. Morts naturelles. Un an serait passé ? Un an ? Sans qu'il en est conscience ? Bordel de merde, c'est quoi ces conneries ?
Elodie – Elodie ? – arrive calmement derrière lui, lui baise la joue et lui souffle timidement :
« Tu penses encore à lui ? J'suis désolée. »
Silence.
« Allez viens, faut qu'on y aille. On passera déposer des fleurs tout à l'heure. »
La Déesse Shaalba
« Que veux-tu en échange ? demanda-t-elle dans sa langue rude. »
L'amazone et le marchand échangèrent un regard intense. Elle avait les yeux bleus, les lèvres pulpeuses, une boucle d'oreille en forme de coquille perçait son lobe gauche et une longue chevelure brune tombait jusqu'au milieu de son dos, cachée par un voile rouge, de même couleur que sa longue robe, protégeant sa tête du soleil.
L'homme était âgé d'une trentaine d'années, il avait le crâne rasé mais des cheveux hirsutes des deux côtés, une barbe liait sa moustache et il possédait un visage râpeux ainsi qu'un long chapeau pointu aux bords ronds.
Ils semblèrent communiquer à travers ce regard. Ils s'étudièrent l'un l'autre un long moment. Au bout de quelques secondes, le marchand lui répondit :
« Rien de plus que ce qu'il ne vaut. Honore ta parole et tu seras récompensée. »
Nouveau silence, nouveau regard.
« Combien en as-tu ?, le questionna-t-elle d'une voix faible.
Combien en souhaites-tu ? lui répondit-il à bride abattue.
Une vingtaine.
Je n'en possède pas autant. Vous n'en aviez pas commandés autant.
Le nombre a changé. »
Échange rapide, long silence.
« Combien en as-tu ?
Douze, comme vous l'aviez demandé.
Très bien. Voilà tes deux peaux.
Cet échange m'a été bénéfique. Je remercie ton Dieu pour cela.
Merci Kosmas, chuchota-t-elle sans qu'il puisse l'entendre. »
À ces mots, la jeune femme déposa les peaux animales sur le vieux tapis de son interlocuteur. Elle se leva silencieusement, rangea les colliers dans une de ses poches, garda le dernier en mains et sans dire un seul mot, retourna à sa place.
Le jeune commerçant se remettait de sa première rencontre avec cette belle amazone. Il les voyait pour la première fois de sa vie et pourtant, il avait déjà passé un accord avec ces dernières, sans n'avoir jamais pu rentrer jusque-là en contact direct avec elles.
Elles étaient de farouches guerrières, jolies mais usées par la guerre et la chasse. On pouvait le lire sur leurs visages ainsi qu'au grand nombre de cicatrices que chacune possédait. Celle-là n'avait pas d'oreille droite et sur ses mains, on pouvait voir la trace d'un grand nombre de blessures.
Kosmas frissonna à la pensée de son corps nu, parsemé de balafres, toutes plus importantes les unes que les autres.
« Quelle drôle de vie elles mènent ! Quel gâchis, pensa-t-il en soupirant. »
Non loin de là, une troupe de soldats surveillait les échanges des marchands. Ils avaient chauds, la saison estivale n'avait pourtant toujours pas commencé mais la température était élevée pour un mois d'avril. Ils étaient tous pressés de finir cette journée. Le lendemain serait identique, ainsi que toute la semaine à venir. Celle-ci célébrait un événement spécial : la foire dans la capitale de Jahzia Elbada qui invitait toutes les populations à participer.
La ville s'organisait autour d'une double enceinte : la première et donc la plus grande ne possédait que trois entrées. Les murs étaient surveillés par des patrouilles qui effectuaient des allers-retours. Les portes quant à elles étaient protégées par une cinquantaine de gardes qui confisquaient les armes pour éviter tout incident.
Les soldats s'aperçurent de l'absence de l'amazone qui venait pourtant tout juste de regagner sa place et décidèrent d'aller questionner une ses sœurs. Les autres partirent fouiller les environs. Peut-être était-elle rentrée dans la cité, sans permission.
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Azaïma marchait dans les rues, paisiblement. Elle venait de quitter le commerce pour accomplir la mission que son Dieu lui avait destinée. Son Dieu, voilà son seul but dans la vie : Shaalba. Plutôt devrait-elle dire sa Déesse …
L'heure de l'opération approchait. Le soleil serait bientôt à son zénith.
La jeune femme décrocha deux piques métalliques de ses cheveux et les empoigna en mains, les cachant sous les manches de sa robe.
Elle entendit derrière elle une troupe de gardes qui interrogeait plusieurs passants.
« Ils sont déjà à ma poursuite ! Je vais devoir me dépêcher, grommela-t-elle. »
Elle sortit une petite carte de sa poche et regarda le point qui y était indiqué. Elle se mit à courir, essayant de se faufiler dans l'ombre des ruelles pour passer inaperçue. Les gardes s'étaient mis, eux aussi, à courir. Elle accéléra le pas et atteignit au bout de dix minutes l'emplacement précis. C'était une petite maison inhabitée. Elle n'entendait plus les bruits des lourds pas des soldats dans son dos. Elle frappa deux coups à la porte, patienta deux secondes, puis à nouveau trois coups.
La porte s'ouvrit sur ses amis, toutes des amazones pratiquement. On pouvait également voir des hommes de cette ville, des pauvres au vue de leurs vêtements.
« Entre ! Nous t'attendons depuis trop longtemps !, s'exclama la femme qui lui avait ouvert.
Tu es poursuivie ?
Oui, une petite troupe de soldats, répliqua Azaïma.
Tu as les colliers ?
Kosmas me les a remis comme prévu. »
Elle tendit la main et distribua un par un les colliers. Ils étaient un symbole important et renforçaient la puissance de la Toute-Puissante.
« Il en manque, se fâcha un des membres.
Il n'était pas au courant des changements pour la commande, m'a-t-il dit.
Hum … On fera sans, ce n'est pas grave, intervint une autre amazone.
Il est l'heure d'y aller. Gardez le plan en tête et surtout n'oubliez pas que la transmission du poison prend une demi-heure. Fuyez avant que l'on nous remarque notre piège. »
Ils enroulèrent tous leurs pendentifs autour de leurs cous puis prièrent à genoux. Au bout de quelques minutes, ils se mirent à sortir un à un de la petite maison en chaume.
« Les gardes sont là. Éliminez-les. »
Dans la petite ruelle sombre, les soldats s'avançaient, épiant le moindre mouvement. Ils surveillaient chaque croisement de rues. Les initiés de la Déesse Shaalba les laissaient venir à eux. Ils étaient une trentaine de fanatiques contre une petite douzaine de soldats de la cité.
Les gardes ne purent rien faire. Les adorateurs se dissimulèrent si bien dans les ombres des ruelles et des toits que les gardes ne les virent pas. Les lames se plantèrent dans chaque recoin de leurs corps atteignable et le combat se termina rapidement. Un dernier homme, à genoux, supplia Azaïma de le laisser en vie. Lorsqu'il vit le serpent et la mort dans les yeux de la femme, il écarquilla les siens avec terreur. Il voulut courir et s'échapper mais l'acier l'avait déjà mordu. La pique que l'amazone tenait dans ses mains lui laissa une coupure sur le visage, profonde. Un coup sur la tête et l'homme s'affala sur le sol, inconscient. Lorsqu'il se réveillerait, la ville ne serait plus qu'un grand désastre.
Ils déplacèrent les corps en silence, rapidement. Ils reprirent leurs routes puis se séparèrent. Bientôt, Azaïma arriva dissimulée, en compagnie d'une autre fanatique, au milieu de la fête foraine.
L'opération commençait.
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Ahsmos et Hebeny, deux autres fanatiques, arrivèrent par l'ouest de la grande foire. Bientôt le nombre de passants se fit plus dense.
La femme et l'homme se regardèrent et se chuchotèrent :
« En avant ?
Accomplissons notre mission divine ma chère amie. »
Et ils s'élancèrent, bousculant les spectateurs. Ils tenaient en mains deux longues aiguilles qui ne faisaient qu'effleurer la peau de leurs victimes sans leur infliger de douleur.
Ils venaient de les condamner.
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Azaïma préférait la discrétion. Elle était déjà recherchée par la police de la ville alors elle pensait qu'il était mieux pour elle de marcher. C'était bien plus discret mais aussi bien plus lent.
Elle et sa camarade amazone se rapprochaient du centre de la foule où elles pourraient contaminer un nombre maximum de victimes.
Les groupes étaient constitués d'au minimum deux fanatiques, par mesure de sécurité, qu'importait leur sexe.
Le plan avait été préparé pendant de longs mois. La commande des pendentifs, le repérage des emplacements de la garde ainsi que la mise en application de l'opération leur avait demandé un certain temps. De même, le poison enduit dans leurs lames avait requis une précision et une attente extrême. Ils avaient finalement réussi à acquérir suffisamment d'expérience pour passer enfin à l'acte. Ce moment tant désiré était arrivé et les fanatiques pourraient enfin satisfaire la vengeance de leur Déesse. D'après leur philosophie, les hommes n'avaient pas leur place dans ce désert. Cette ville serait détruite par ses habitants.
Ils tournèrent dans la ville pendant près de dix minutes puis commencèrent à s'éloigner. Il leur fallait évacuer au plus vite, leur survie en dépendait.
« Bientôt cette cité ne serait plus qu'un tas de ruines. Pauvres habitants, pauvres idiots. Connaissez la peur et la mort. Le règne de la Déesse Shaalba commence. Apprenez sa fureur, chuchota Azaïma. »
Un passant à proximité réussit à saisir quelques mots et écarquilla les yeux. Une pique vint lui transpercer la gorge et il finit sa vie dans un râle inaudible. Les passants aux alentours n'eurent pas le temps de voir l'agresseur et s'enfuirent, par peur.
« Qu'importe, vous êtes contaminés, marmonna Azaïma. »
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Les portes de la ville avaient été renforcées suite au meurtre de l'habitant mais les fanatiques avaient prévu leur fuite. Ils déclarèrent un incendie à proximité des lieux puis attendirent patiemment que la foule enrage et rouvre les portes de la cité.
La victoire était là, inévitable. La victoire finale.
Les gardes furent appelés en renfort pour maîtriser la population qui se révoltait. C'était le secret de cette arme que tenait en main Azaïma. Un poison lent mais très efficace. La piqûre ne provoquait presque aucune douleur, un simple effleurement permettait la diffusion du poison dans le corps de la victime. Le poison provoquait une montée de violence, de colère et de force chez la victime. Elle se mettait alors à frapper tout ce qui bougeait aux environs, ennemis, amis, famille … Les effets étaient surprenants, comme ceux d'une drogue hallucinogène : désorientation, vision déformée, peur, troubles émotifs, tremblements, agitation, panique, élocution insensée …
Azaïma faisait partie des Amazones depuis sa naissance, sa mère avant elle l'avait été aussi à la fin de sa vie. Mais peu à peu, la chasse à l'animal n'avait plus suffit à cette tueuse. Elle haïssait les hommes. Ils volaient leurs territoires et avait massacré sa famille.
Puis, il y a deux ans, elle avait rejoint un autre groupe, composé de femmes mais aussi d'hommes, ce qu'elle avait au premier abord, rejeté. Puis elle s'y était faite, comprenant bien qu'ils le seraient d'une aide précieuse dans cette mission divine.
La philosophie de la Déesse Shaalba correspondait parfaitement à ses propres espérances, si bien qu'elle s'était très vite distinguée comme l'une des meilleures, une des plus assidues.
Les fanatiques avaient réussi leur mission, sans problème, sans scrupule. Ils regardèrent au loin, de dunes de sables surélevées, la perte de la cité, la fuite de ses habitants et le meurtre de leurs ennemis.
Derrière les adorateurs, un gigantesque serpent apparue, sortant des tréfonds de la terre. Un serpent femelle. La Déesse Shaalba. Elle possédait une robe d'un brun rouge, ornée d'anneaux latéraux et de tâches sombres, comme le boa arc-en-ciel, mesurant près de trente mètres de long et vingt-cinq centimètres de large. Elle écarta les côtes cervicales pour sembler encore plus imposante. Son venin était le plus puissant du monde et prédisait une mort instantanée. En plus de ses crocs venimeux, elle pouvait aussi s'enrouler autour de sa victime et la tuer par étouffement.
« Vous avez réussi mes enfants. Je suis fière de vous, siffla-t-elle. »
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La ruelle était vieille, comme le prouvait l’architecture archaïque, mais elle se révélait également sombre et froide en cette nuit d’hiver. Restaurée récemment, sa profondeur due à l’élévation de la ville était désormais bien plus flagrante. Les boutiques y étaient rares, si bien que la plupart des bâtiments n’étaient que des habitations altérées par le temps. Au début de la rue, à droite, le plus grand immeuble n’était plus qu’un tas de vieux débris et se situait en dernière position sur la liste des réparations. Il devrait attendre encore quelques années probablement. Les rues de cette ville étaient dallées et recouvertes d’une fine couche de sable du désert. À gauche, la seule et unique boutique officielle du quartier : une simple pièce où l'on pouvait, à notre guise, acheter des épices et un peu de nourriture, certes peu variée, en faible quantité et à un prix élevé.
Plus loin dans cette rue, quasiment au bout de cette dernière, après de nombreux logements habités par des mendiants principalement, une deuxième boutique se situait là, encore inconnue des forces de police, et vendait des armes diverses, allant de la simple dague à des instruments plus sophistiqués et plus mortels. En face de ce commerce, le dernier immeuble était composé d'uniquement deux fenêtres. L’architecture était simple et grossière. Il était constitué de deux étages et d’une multitude de pièces, certaines juste assez grandes pour pouvoir y faire tenir un lit simple. Au rez-de-chaussée, la plus importante salle était habitée par un vieillard et sa petite fille. Il lui racontait de courtes histoires pour l'aider à s'endormir en ces lieux dangereux et insalubres. Cette fois-ci l'enfant s'était fait bercer par une légende évoquant la destruction d’une ville par ses habitants, rongés par la folie.
Un lien spécial
Forêt de Circyl
La route à la sortie de la ville de Costle était pavée de pierres sur à peu près cent mètres et était large d'environ seize pieds. Peu après la fin du dallage, elle ne ressemblait plus qu'à un chemin puis, si l'on s'éloignait davantage, elle devenait un sentier pour enfin disparaître dans une multitude d'herbes hautes et de plantes de toutes sortes.
Non loin de là, la lisière de la forêt était en vue. Qu'importait la position, une seule et même personne ne pouvait espérer apercevoir l'entière étendue de celle-ci. Au derrière, elle s'allongeait pour ne faire qu'un avec la montagne, elle dépassait même celle-ci et c'est pourquoi aucune limitation n'avait jamais pu être clairement définie. Sur les cartes, elle apparaissait le plus souvent sous forme d'une très grosse et vulgaire approximation qui se révélait la plupart du temps totalement fausse.
Si l'on entrait et que l'on s'avançait un peu pour s'approcher du cœur de la forêt, on pouvait remarquer un brusque changement de densité, les arbres se faisant plus espacés.
Je n'ai guère besoin de vous prévenir que cette forêt est la plus dangereuse qu'il soit. Si un jour, vous avez la folle idée d'y entrer, je vous conseille fortement de ne pas y demeurer longtemps. Outre le fait que vous pouvez vous perdre, vous finirez bien avant par être dévoré par des bêtes sanguinaires. Si toutefois vous arrivez à éviter ces dangers, je ne parierais toujours pas sur votre survie. Tôt ou tard, vous mourrez, que ce soit en finissant de nourriture aux asticots ou la tête au bout d'une pique. Personne n'a jamais su qu'il existait une race d'homme dans cette forêt, des hommes différents, des hommes sauvages. En fait si, certains ont le pu découvrir par eux-mêmes. Mais cette découverte est morte en même temps que la vie quittait leurs corps, quelques minutes après. Rien qui ne puisse vraiment alerter qui que ce soit … Ces hommes étaient les seuls à avoir su résister et survécu et maintenant, ils s'étaient totalement adaptés à leur environnement. Ils étaient devenus l'unique clan d'hommes de la forêt.
Non loin du pied de la montagne, un éboulement avait récemment eu lieu et avait ainsi entraîné la chute de deux arbres. Sur la droite de la scène se trouvait un puits dans ce que l'on pourrait appeler une place. Les arbres avaient été coupés et ainsi cet amoncellement était au centre même d'un cercle. En face, le début de la montagne était clairement visible, d'une part grâce à la forte abondance de rochers et d'autre part car c'était à cet endroit là que l'inclination commençait, d'abord douce puis plus abrupte. À gauche et au derrière, la vue était bloquée par de hauts bosquets qu'on aurait peine à traverser.
Pourtant, une masse sombre s'y engouffra et traversa cet épais mélange de feuillages et de branches. Celle-ci possédait une forte stature et n'était de tout évidence, pas un être humain. Elle mesurait dans les soixante dix centimètres de haut et bientôt, ses traits se dessinèrent et elle vint s'exposer à lumière, devenant petit à petit une bête sauvage. D'abord, nous pûmes apercevoir sa tête, sans trop de précision, puis son buste et enfin ses deux pattes de devant. C'était un loup, un magnifique loup. Il possédait des yeux de couleur jaune doré, en amande, des dents acérées répondant au nombre d'une quarantaine, deux oreilles droites en forme de triangle et enfin avait une marque de blanc très particulière du bout de son nez jusqu'au milieu de ses esgourdes. Son pelage était composé de deux couleurs alliées : du marron clair et du gris tandis que ses pattes teintaient dans le beige.
Raïjïn avait bientôt deux ans et était le plus jeune de son clan. Il avait de nombreux frères et sœurs mais tous plus vieux que lui. Son choix à lui était déjà pris, il quitterait bientôt le clan de son ascendance pour aller en rejoindre un autre et ainsi pouvoir fonder sa propre famille.
Riku était le chef du clan mais c'était aussi le loup le plus ancien et le plus fort. Jusqu'à maintenant, il avait réussi à écraser chacun de ses adversaires en d'un combat singulier. Mais la vieillesse l'emportait et il se sentait faiblir, jour après jour. Il devrait alors laisser sa place après plus de treize ans de règne. Grâce à lui, leur nombre avait quasiment doublé en cet espace : ils étaient bien plus nombreux qu'avant et avaient accueilli au fil des années un total de neuf loups d'autres clans. Ainsi Riku verrait bientôt sa descendance le quitter. Seul un de ses enfants de chaque sexe resterait pour assurer la lignée du clan. Ils le devaient et le feraient. Ainsi avaient été choisis Aeris et Shura pour rester aux côtés de Riku et Saphira. Le chef du clan était en couple depuis ses trois ans et le resterait jusqu'à la fin de sa vie, avec la même femelle.
Raïjïn était un mâle d'une force impressionnante. Il avait hérité de la plus grande puissance et pesait donc dans la quatre-vingtaine pour une taille de cent trente centimètres de longueur. Il courrait également à la vitesse moyenne de trente cinq kilomètres heures et pouvait atteindre les cinquante cinq au meilleur de sa forme.
Le territoire de son clan s'étendait sur des kilomètres à la ronde, une quinzaine à peu près et ils pouvaient ainsi tous communiquer par hurlement la nuit. Ils affrontaient régulièrement d'autres clans pour pouvoir agrandir leur lieu de chasse et ainsi pouvoir affirmer leur autorité et leur force. Malgré cela, ces loups vivaient paisiblement, en tranquillité et ils étaient craint dans cette forêt. L'homme n'avait jusqu'à maintenant fait que se soumettre mais cela allait rapidement changer …
C'était lors d'une belle matinée d'hiver. Le clan de Raïjïn était éparpillé un peu partout dans la forêt. Ce dernier se baladait à une dizaine de mètres de la lisière de la forêt. Il était partit à la chasse depuis près d'une demi-heure et avait rapidement repéré les traces d'un cerf. Enfin il le tenait ! Il s'apprêtait à bondir quand il entendit des voix, non loin. Ce n'était pas le son habituel des hommes de la forêt, ce son grave et entrecoupé. Celui-ci était fluide, plus fort, plus aigüe. Le loup inclina ses oreilles dans la direction, toujours prêt à bondir sur une proie qui était partie depuis une bonne minute. Il demeura accroupit puis se mit debout pour mieux distinguer les sons.
C'était sûr, ces gens là étaient des étrangers. Il se précipita dans la direction, esquivant les arbres, sautant par dessus les arbustes. Il fixa précisément cette masse difforme qu'il voyait au loin et aiguisa ses sens. Bientôt, il put compter un, deux, cinq, dix, vingt, cinquante hommes qui venaient dans leur direction. Ils n'avaient pas un assez bon point de vue pour pouvoir être plus précis. Dépassait-il les cent ? Ceux-là étaient des brutes, pas les discrets hommes des bois. Riku lui en avait parlé déjà, à de nombreuses reprises et il l'avait mis en garde contre leurs armes et leurs manières. Ils n'étaient que des sauvages qui s'attaquaient à n'importe quel animal. Ils tuaient sans retenue.
Le loup s'avança encore un peu lorsqu'il surprit un mouvement sur sa droite. Aussitôt, il se baissa pour disparaître derrière un buisson épais.
Il y avait là un autre homme, beaucoup plus discret. Il se faufilait dans les arbres quasiment sans bruit. Régulièrement, il faisait des signes à un autre homme, quelques pas derrière lui.
Raïjïn se rendit bientôt compte qu'il était entouré. Heureusement qu'il s'était infiltré discrètement sinon, il ne serait probablement pas dans une situation si aisée.
Un homme passa à quelques mètres de lui, sans le voir. Il ne savait pas comment il devait réagir. Devait-il les fuir et demander conseil à son clan ? Qu'elles étaient les intentions de ces hommes là ?
Soudain, un hurlement résonna dans la forêt. Il vit toutes les têtes des hommes tourner dans la direction. Mais lui, il le connaissait ce bruit. Une ourse qui protège ses oursons. Il vit l'homme proche de lui tirer une arme d'un étui en cuir qui pendait le long de sa jambe gauche. Maintenant il savait. Ces hommes étaient dangereux. Il en était presque certain.
Il releva discrètement la tête et vit l'ourse en question. Il vit le combat qu'elle menait contre plus de huit hommes. Elle n'avait aucune chance mais elle pourrait infliger des pertes. Il fallait qu'il lui vienne en aide sinon toujours plus d'ennemis afflueraient vers elle. Même entre animaux, il existe un lien d'entraide. Un lien contre l'homme et ses dangers.
Raïjïn passa à l'action. Il était désormais assez proche de l'homme. Il lui sauta dessus, hurlant, et lui arracha une bonne partie du coup. Avant que le corps ne tombe à terre, l'éclaireur était mort. Désormais, toutes les têtes étaient tournés vers lui. Une flèche fusa dans sa direction mais le tir n'était pas assez précis. Il toucha un arbre à plus de quatre mètres à côté. Le loup en colère, fonça tout droit vers un autre homme. Ce dernier ne le vit qu'au dernier moment, lorsque le loup sauta d'un bosquet tout proche. Il lui laissa une marque très profonde de crocs dans la jambe et repartit, tout aussi rapidement.
Il fallait qu'il sorte de ce cercle dans lequel il était bloqué. Il aurait pu le faire silencieusement et rester invisible mais la famille ours avait besoin de lui. Il entendit un deuxième cri, probablement celui du mâle ours.
Il revint à lui rapidement, plus rapidement que sa prochaine cible. Celle-la également ne vit que l'énorme masse l'écraser de tout son poids et le mordre à plusieurs reprises. Le festin fut rapidement finit. Il repartit et fit rapidement une percée dans le cercle des hommes. Le dernier lui posa plus de problèmes que les précédents. Celui-ci était prêt et il l'avait entendu arriver. Raïjïn allait lui sauter dessus lorsqu'il vit l'arme qu'il tenait dans la main. Une expression de peur passa sur le visage de l'homme. Le loup attaqua sauta sur le côté et mordit son ennemi au mollet. Il n'avait pas pu donner plus de force à son premier coup car son adversaire était réactif et il avait balancé sa main dans sa direction presque qu'immédiatement après le bond de l'animal. Un autre homme arrivait derrière. Un homme qui s'attendait à trouver un camarade au prise avec un ennemi. Erreur monumentale.
Raïjïn avait rapidement disparu du champ de vision de sa proie actuelle. Il réfléchissait vite et en quelques mouvements il fut sur l'homme qui accourait à l'aide de son ami. Il déchira son côté gauche en laisse une profonde marque de griffes. L'homme tomba à genoux en hurlant de douleur. Il fut mort quelques instants après, quand l'animal revint à la charge dans son dos. Mais une lance se planta trop proche de son corps. Elle lui arracha quelques poils, sans plus de dommage. Le coup avait été là pour le faire fuir et elle avait probablement été lancée au hasard. Un coup qui réussit à lui faire peur. Il se remit à courir, à fuir plutôt. Le nombre d'ennemis grandissait trop vite. Tandis qu'il se pressait de retourner vers son clan, il fut bientôt nez à nez avec deux hommes brandissant deux lances. Il les évita de justesse. Il fut aussi surpris que ses deux assaillants de cette brusque rencontre. Il les contourna et bondit à nouveau sur l'un d'eux. Il fit pivoter son bassin vers la droite pour donner un coup de hanche au deuxième. Se grouper était vraiment bien plus dangereux. Le premier mourut, la gorge arrachée. Le second s'étala par terre, assommé.
Raïjïn ne put le tuer car trois autres hommes arrivèrent vers lui, trop vite. Il les esquiva du mieux qu'il put mais une flèche vint se planter dans son flanc. Cette blessure n'était pas trop importante et ne l'empêcherait pas de courir. Il fut vite hors de portée. Il allait se décider à rentrer quand il se rappela la fâcheuse position de la famille ours. Il devait s'assurer de leur sort. Les hommes les combattaient-ils encore ? Il s'approcha pas à pas de l'endroit où il les avait vu la dernière fois. C'était une véritable boucherie. Les corps avaient disparus, traînés d'après les marques sur le sol. La famille ours n'était plus de ce monde, c'était certain. Il voulut se retourner mais ne vit que trop tard l'attaque qui lui était destinée. Elle allait le pénétrer en plein sur son côté droit mais une autre arme vint le défendre, bloquant la lance ennemie. Un homme de la forêt venait d'apparaître devant lui. C'était une femme en fait. Elle avait réussi à coincer la lance à l'aide de deux haches. L'ennemi fut désarmé et reçut un violent coup au travers de l’œil qui le tua sur l'instant même. Deux autres hommes ne purent rien faire. La femme avait lancé ses deux hachettes dans leur direction. Le nombre de victimes s'éleva aussitôt à deux supplémentaires. Raïjïn et sa protectrice s'adressèrent un regard complice. Désormais, ils étaient liés. Il lui devait une vie. Elle disparue aussi vite qu'elle était arrivée, grimpant à l'arbre duquel elle était descendu. Le loup fit de même en prenant la fuite par la voie terrestre et bientôt, le groupe des hommes s'était reformé et ils contemplaient deux autres de leurs amis sans vie.
Raïjïn était de retour au camp. Son père lui avait extrait le bout de la flèche presque inoffensif qui était resté dans son corps lors de son combat. Il lui avait raconté sa lutte pour survivre et aider la famille des ours. Le chef du clan était maintenant pensif. Il avait appris par de sources sûres que leurs ennemis étaient repartis. Pourquoi n'avait-il séjourné qu'un jour dans la forêt ? C'était la première fois que des humains arrivaient à en sortir. Cela l'intriguait vraiment. Il décida tout de même d'organiser une réunion des différents clans de loups.
La réponse ne mit pas longtemps à revenir. Certains avaient refusé en prétextant que ce n'était qu'une erreur, d'autres ne voulaient se risquer pas à abandonner leur territoire pour une alerte qui pouvait se révéler fausse. Les mobiles s'enchaînaient, toujours plus choquants les uns que les autres. Comment les chefs pouvaient-ils douter de la véracité des propos d'un des leurs ? Leur puissance les avait aveuglé. C'était l'avis du clan de Riku. Bien que les corps des hommes tués n'avaient pas été trouvés et qu'il ne restait plus que des tâches de sang, cela n'expliquait pas cette soudaine inconscience. L'évènement qui était le plus marquant était la disparition de la famille de l'ours. Mais celle-ci avait été expliquée brièvement avec un quelconque motif.
La crainte du clan du loup se révéla très vite, trop vite, justifiée. Quelques mois plus tard, en début avril, par une journée de plein soleil, vers les coups de dix heures, les hommes revinrent. Leur nombre n'avait pas doublé, ni triplé. Ils étaient dix fois plus nombreux et s'étaient dispersés sur de grandes zones. Si Raïjïn avait dû évalué leur nombre, il l'aurait estimé à près un millier.
Un millier d'hommes, cela avait de quoi faire peur. Tous les animaux tremblaient devant la puissance de leurs ennemis. Le plus effrayant était peut-être le nombre d'armes. Arcs, épées, dagues, tout cela pouvait se combattre. Mais que pouvaient-ils faire face aux engins de siège qui se présentaient maintenant à la lisière de leur bien-aimé forêt ? Leur efficacité fut très vite démontrée : un lourd objet s'envola du trou dans lequel il se situait et s'abattit près de dix mètres plus loin, après avoir défoncé plusieurs arbres. Heureusement, leur nombre était limité : les hommes n'en possédaient apparemment qu'une dizaine. Tous les animaux se joignirent en groupe de même appartenance pour lutter. Un grand nombre proposa de fuir mais les plus vieux s'opposèrent farouchement : leur forêt c'était leur vie et le nombre d'ennemis n'importait que peu. Ils préféreraient mourir plutôt que de céder leur territoire, leur seul et unique lieu d'existence.
En début d'après-midi, les hommes gagnèrent du terrain encore plus vite qu'ils ne l'avaient fait auparavant. Les maigres résistances qu'ils rencontraient les rassurer et ils pensaient que leur conquête serait finalement bien plus facile qu'ils ne l'avaient imaginé.
Mais dès que le soleil commença à décliner, ils virent des hordes entières les assaillir. Des tribus entières d'animaux venaient leur causer de sérieux dommages. Le moral des troupes diminua en flèche mais ils tinrent bon et repoussèrent la défense qu'on leur opposa.
Les animaux ne pouvaient communiquer entre eux aussi bien qu'ils l'auraient souhaité. Souvent, les groupes d'assauts étaient désorganisés et les attaques se révélaient ainsi infructueuses.
De plus, certains bestiaux étaient avantagés de nuit, comme les loups et c'est pourquoi, la grosse offensive opta vers les deux heures du matin. Toute la soirée, les hommes furent harcelés sur différents fronts. Les pertes commençaient à être considérables pour les deux partis, plus pour les animaux. La force de groupe des hommes était impressionnante.
L'attaque vint, comme prévu. Les loups s'étaient rassemblés pour attaquer la partie gauche du groupe d'ennemis, mais demeuraient tout de même assez loin de la fin du côté.
Raïjïn se trouvait dans les dernières lignes. Les sages avaient décidés de lancer d'abord les loups les plus vieux car les pertes se révéleraient moins graves. Malgré cette décision, les plus jeunes n'attendirent pas et se battirent aux côtés de leurs familles, leur apportant un soutien non-négligeable.
Raïjïn s'élança alors que la lutte avait déjà commencé depuis une ou deux minutes. Le combat fut violent et il vit beaucoup de ses amis, de ses frères, beaucoup de loups et autres animaux trépasser.
Les heures passaient et les rangs ennemis ne semblaient pas s'atténuer. L'aurore pointa très vite le bout de son nez. L'avantage qu'avait les loups disparut mais le combat ne se fit pourtant pas plus désavantagé.
La guerre fut bientôt à son acmé. Un court moment, Raïjïn se retrouva seul contre cinq adversaires. Il était fatigué mais restait vigoureux. La haine qu'il nourrissait envers ces êtres cruels était sans appel et semblait infini. Il s'élançait, se repliait, mordait, arrachait de la chair et parfois même des membres entiers, hurlait, griffait, tuait. L'affrontement persistait et le jeune loup récoltait moultes blessures, toujours plus graves les unes que les autres. Il suait et son sang séchait rapidement. Bientôt, son pelage ne fut plus que de couleur rougeâtre, remplaçant les tons marrons-gris habituels.
Parmi les cinq hommes qui se tenaient auparavant face à lui, il n'en restait plus que deux. Sa première victime s'était écroulé après avoir perdu la moitié de sa jambe droite ainsi que d'avoir la gorge lacérée par la bête. La seconde avait perdu sa lance et s'était enfui, par peur. Le troisième avait tenu bon et lui avait causé une autre blessure dans le flanc. Les deux derniers l'épuisèrent très rapidement. Il fut bientôt encerclé et crut que sa dernière heure était arrivée. Heureusement pour lui, il finit par sortir de ce mauvais pas, non sans mal.
L'homme face à lui le menaçait de la lance tandis que celui de derrière attaqua avec une épée. Il esquiva le coup et saisit le bras de son antagoniste avec ses canines pour le lui laissait une marque profonde. Il n'eut le temps d'échapper à l'attaque de la lance. Celle-ci s'enfonça dans sa patte droite et Raïjïn ne pouvait désormais plus sautillait. Pendant qu'il eut fini d'arracher la gorge du premier, le second avait récupéré sa lance. Il lança un coup et elle se planta dans la terre. Avant qu'il ne puisse la ramener à lui, le loup balança sa patte arrière pour en briser le bois. Son ennemi était désormais désarmé. Il tenta de fuir mais ne fut pas assez vif.
Une flèche vint se planter quelques secondes après dans la chair du canidé. Cette fois-ci ce fut son épaule qui fut touché. Il allait s'écrouler au sol et s'enfuir quand il vit sa proximité avec l'archer. Celui-ci n'était pas très loin mais il possédait une arme à distance, redoutable quand la mobilité de la bête était plutôt mince. Raïjïn se remit en mouvement, malgré sa faiblesse et il approcha bientôt de sa cible. Trop près. L'homme l'avait vu venir et avait ramassé une épée à ses pieds. Il l'attendait de pied ferme et s'apprêtait à donner un coup circulaire qui trancherait la tête du mammifère sauvage. À la place, une hache lui ôta l'arme des mains en sectionnant son coude qui tomba au sol dans une giclée de sang. À la vue de cette blessure, le loup reprit confiance et s'apprêtait à se relancer dans le combat. Il remarqua les traits de jeune homme sauvage. C'était une femme de la forêt celle-là. Une femme qui lui avait déjà sauvé la vie. Il mit plusieurs secondes à la reconnaître. Son esprit était embrumé dû à son épuisement. Bientôt, ce ne fut pas qu'une sauvage qu'il vit mais toute une horde d'hommes et femmes de la forêt qui s'abattirent sur leurs ennemis.
Raïjïn voulu se relancer mais la fatigue et la douleur l'emportèrent. Il flancha et s'évanouit. La guerre continuait autour de lui et la dernière chose qu'il vit, ce fut son amie qui le porta pour l'éloigner d'éventuels dangers. Une fois qu'elle l'eut déposée à terre, elle s'empara à nouveau de ses deux hachettes et partit se battre.
Lorsque Raïjïn se réveilla, il était confortablement installé dans un amas de feuilles douillé. Il pouvait voir des bandages là où on l'avait blessé mais il ne reconnu pas immédiatement l'endroit. Les échos des blessés résonnaient toujours dans le crépuscule. La bataille était-elle finie ? Il voulu se relever mais fut pris de hauts de cœur et resta couché encore un peu. Il vint à remarquer que de la viande, de la chair fraiche, avait été déposée non loin de lui, à bout portant de ses canines. Il l'attrapa et l'engloutit, lentement d'abord, pour profiter du goût mielleux du sang dans sa bouche. Il vit également à côté quelques fruits qui poussaient dans la forêt, des baies principalement. Il aimait bien en manger à de rares occasions car ils facilitaient sa digestion et avait un goût plutôt plaisant. Il en avala quelques-unes et attendit de se sentir mieux pour oser se relever.
Raïjïn se réveilla pour la seconde fois, au milieu de la nuit. Finalement, le sommeil l'avait emporté à nouveau. Il se mit debout et tenta de s'appuyer sur sa patte. La douleur n'était pas trop forte et le voyage serait donc possible. Il ne vit aucune trace, aucun message de la femme qu'il l'avait sauvé.
Enfin le loup était parvenu jusqu'à son camp. Le malheur faillit l'emporter quand il vint à déplorer les nombreuses pertes. Sur les quinze membres de son clan, sans compter les enfants de Riku et Saphira, les loups morts s'élevaient à douze. Ils n'étaient donc plus que huit : trois membres survivants, lui-même et un de ses frères ainsi qu'Aeris et Shura qui ne s'était battus pour assurer la descendance. Les efforts devront être importants dans les prochaines années pour remonter ce nombre. Heureusement, un peu avant le levé du jour, son père revint avec un autre membre du clan ainsi qu'un de ses fils. Ils étaient encore onze donc plus que cinq membres du clans. On le tint au courant des nouvelles : les hommes étaient en déroute mais le champ de bataille était un véritable carnage. Sans les hommes sauvages, ils n'auraient pu gagner. Loués soient-ils.
Raïjïn eut besoin de beaucoup de repos, comme beaucoup d'entre eux. Pourtant, quand il revint à lui, il ne put trouver les membres du clan. Aeris le prévint de la vengeance des clans du loup.
Le soleil brûlant déclinait et disparaissait progressivement derrière les hautes montagnes. La caverne souterraine paraissait sombre si bien qu'il eût été improbable que quiconque veuille s'y engouffrer. Il était sans doute impossible de discerner la profondeur de cette cavité ténébreuse et la pierre semblait rugueuse et l'odeur était âcre et le froid intense s'imprégnait à jamais dans nos vêtements et dans notre peau.
Pourtant, non loin de là, nos deux voyageurs insolites approchaient, guidés par un air de musique. L'un d'entre eux chantait d'une voix puissante et grave tandis que l'autre l'accompagnait à la flûte, avec une mélodie fluide et agréable. Le plus grand, qui jouait de l'instrument, portait des chausses vertes attachées à un pourpoint blanc et des souliers marrons. Il n'avait que cette légère tunique, des braies courantes, une fine ceinture grise et une épée effilée de soixante-dix centimètres, protégée par un fourreau en bois, située le long de sa jambe gauche tel un chevalier. Il devait approcher de la trentaine, ses cheveux étaient noués en queue de cheval et on pouvait apercevoir quelques rides naissantes sur son visage. L'autre était plus jeune, peut-être un peu moins de la vingtaine, déguisé comme un troubadour avec un vieux pantalon collant et troué par-dessous une jupe, un simple gilet en cuir à manches courtes, une cape de couleur marron tombant jusqu'à ses fesses et de vieilles babouches pointues.
Tous deux continuaient de s'avancer en direction de la grotte. Lorsqu'ils furent à son niveau, ils firent une rapide pause puis y pénétrèrent après une brève discussion. Leurs pas étaient assurés en ce lieu malsain. L'éphèbe avait arrêté pour un court moment de jouer de son instrument et avait dégainé deux longs poignards, un dans chacune de ses mains. Les deux hommes se prenaient bien souvent dans les bras, marchaient collés l'un à l'autre, riaient, s’esclaffaient, s'amusaient, comme deux enfants prêts à faire une blague. Par d'autres moments, ils simulaient des coups portés à des créatures inexistantes ou brandissaient leurs armes pour faire face à des menaces invisibles. Depuis l'entrée de la grotte, le chevalier avait allumé une lampe pour qu'ils puissent avoir une source de lumière, certes faible mais tout du moins présente. Cette dernière chancelait néanmoins de plus en plus à chaque minute et bien heureusement, ils en avaient apportées plusieurs. Elle apportait également une chaleur aux deux hommes. Plus ils s'enfonçaient sous terre, plus la température était élevée.
Ils cheminaient à travers l'ombre depuis bientôt deux heures lorsqu'ils firent la rencontre d'une première âme errante. Cette dernière eut peur en voyant de simples mortels. Peu à peu, les deux héros se sentirent épiés à travers les ténèbres et le nombre des créatures s'accrut. Elles furent bientôt des milliers à les observer et nos deux compagnons durent se frayer un chemin en les menaçant de leurs armes. Les créatures, femmes et hommes confondus, avaient les visages horribles, leurs yeux étaient boursouflés, leurs bouches démesurées, leurs dents acérées, leurs mains aboutissaient à de très longs ongles fins, leurs corps frêles tremblaient, leurs pieds d'une noirceur absolue se mêlait parfaitement à l'obscurité du lieu. Elles avaient la peau sur les os si bien qu'on aurait pu les prendre pour des squelettes vivants avec leurs visages marqués par l'âge et la fatigue. Elles ne possédaient plus aucun trait humain. Leurs corps bouffis étaient abîmés et la puanteur qu'elles dégageaient était immonde, intenable.
Pourtant nos deux acolytes continuaient de sourire, de rire entre eux. Ils repoussaient ces goules hideuses avec une joie intense. Ils se moquaient d'elles, leur riaient à la face, les désignaient du doigt pour mettre en valeur leur corps atroces et visqueux. Leurs rires diaboliques retentissaient à leurs oreilles comme un grincement insupportable qui les firent fuir. Ils entendirent bientôt leurs pleurs apathiques, leurs marmonnements et leurs balbutiements ce qui ne fit qu'accroître encore plus leur hilarité. Désespérées, ses dernières se cachaient pour dissimuler leur honte. Ils s'essayèrent à imiter leurs visages ce qui accentua encore plus leur enthousiasme. Tellement ils les raillèrent que les bouches commencèrent à les faire souffrir quand une voix puissante et grave s'éleva :
« Qui êtes-vous pour déranger ainsi les âmes éternelles qui reposent à jamais en ces lieux désolés ? »
Ils venaient de faire la rencontre du gardien de la porte des Enfers. Et en effet, après s'être un peu approchés, une lumière vive pouvait s'apercevoir au loin. La chaleur du monde souterrain était plus forte et saisissante. Charon avait son chien à côté de lui, Cerbère ainsi était-il nommé. Grand de cinq mètres sur deux mètres de large, ses pattes étaient énormes, de la taille d'une tête d'homme, des flammes se promenaient sur tout le long de son corps, sa gueule béante comportait des dents immenses et son poil était long et gras.
Le plus âgé des deux hommes eut du mal à répondre dans la minute qui suivit. Il essuya les larmes de joies qui coulaient de ses yeux, calma son rire persistant et s'exclama :
« Nous sommes de nobles voyageurs insolites qui cherchent Hadès pour pouvoir s'entretenir de sa personne.
Vous êtes bien bruyants pour de simples mortels. Je n'ai jamais entendu un tel capharnaüm ! Pourquoi riez-vous ainsi ?
C'est que ces monstres là sont particulièrement affreux, dit-il avec un nouveau rire dissimulé. Je n'ai jamais vu de créatures si répugnantes !
Leur difformité les rend comique ! ajouta le jeune homme, en riant à gorge déployée.
Et quel est cet accoutrement ?
Je trouve nos vêtements tout à fait appropriés à la situation comique dans laquelle nous nous trouvons ! répondit-il en gloussant encore. N'êtes-vous pas d'accord ? Ils sont de conséquence !, bien que nous soyons au dix-neuvième siècle.
Nous aspirons à voir le maître de ces lieux et à le questionner sur la vie après la mort. N'est-ce pas normal de s'en préoccuper ? Nous sommes friands d'histoires et celle-là a l'air particulièrement intéressante, n'êtes-vous pas d'accord ? Nous avons parié que nous réussirions à le rencontrer ! Ayant perdu au jeu de carte, nous avons dû descendre dans ces tréfonds emplis de merveilles ! Je ne regrette pas ma descente, oh non !, si j'avais su que l'expérience serait aussi amusante et divertissante ! Et la somme en jeu n'est absolument pas modique, n'en doutez pas ! N'ayant rien à perdre, nous nous sommes mis en quête de la personne répondant au nom d'Hadès ! Peut-être pouvez-vous nous aider à le trouver ? Sinon cela fait plusieurs heures que nous marchons et un rafraichissement ne serait pas de refus ! Notre vie de misère ne nous permet pas d'accorder autant d'importance à notre vie. Après tout, c'est le cycle naturel de la vie, alors pourquoi nos congénères sont-ils si effrayés à quitter le monde des vivants ? Nous préférons profiter du temps pour nous amuser voyez-vous ! Ce monde là nous est inconnu, et nous serions ravis de le découvrir ! C'est une superbe opportunité d'évoluer ! Certes, on perd de vue nos amis mais n'est-ce pas l'occasion de mieux nous retrouver par la suite ? Surtout que le vôtre d'univers ne manque pas d'agrément ! Il a l'air d'être gigantesque ! Que de nouveaux lieux à découvrir ! Alors ? Comptez-vous nous faire attendre ici longtemps ? »
L'homme fit une nouvelle pause, calmé. Son regard se posa sur le chien Cerbère et son fou rire le reprit.
« Votre chien est bien mignon vous savez ! Il doit avoir un peu chaud non ? Vu l'odeur qu'il dégage il n'a pas dû être lavé depuis bien longtemps ! Vous ne disposez pas d'eau ici ? »
Il se mit à rire à pleins poumons et son voisin l'imita. Il éteignit sa torche tandis que son ami joua un air de flûte pour fête et ils continuèrent leur aventure, s'amusant autant que la vie le leur permettait.
Pourtant, non loin de là, nos deux voyageurs insolites approchaient, guidés par un air de musique. L'un d'entre eux chantait d'une voix puissante et grave tandis que l'autre l'accompagnait à la flûte, avec une mélodie fluide et agréable. Le plus grand, qui jouait de l'instrument, portait des chausses vertes attachées à un pourpoint blanc et des souliers marrons. Il n'avait que cette légère tunique, des braies courantes, une fine ceinture grise et une épée effilée de soixante-dix centimètres, protégée par un fourreau en bois, située le long de sa jambe gauche tel un chevalier. Il devait approcher de la trentaine, ses cheveux étaient noués en queue de cheval et on pouvait apercevoir quelques rides naissantes sur son visage. L'autre était plus jeune, peut-être un peu moins de la vingtaine, déguisé comme un troubadour avec un vieux pantalon collant et troué par-dessous une jupe, un simple gilet en cuir à manches courtes, une cape de couleur marron tombant jusqu'à ses fesses et de vieilles babouches pointues.
Tous deux continuaient de s'avancer en direction de la grotte. Lorsqu'ils furent à son niveau, ils firent une rapide pause puis y pénétrèrent après une brève discussion. Leurs pas étaient assurés en ce lieu malsain. L'éphèbe avait arrêté pour un court moment de jouer de son instrument et avait dégainé deux longs poignards, un dans chacune de ses mains. Les deux hommes se prenaient bien souvent dans les bras, marchaient collés l'un à l'autre, riaient, s’esclaffaient, s'amusaient, comme deux enfants prêts à faire une blague. Par d'autres moments, ils simulaient des coups portés à des créatures inexistantes ou brandissaient leurs armes pour faire face à des menaces invisibles. Depuis l'entrée de la grotte, le chevalier avait allumé une lampe pour qu'ils puissent avoir une source de lumière, certes faible mais tout du moins présente. Cette dernière chancelait néanmoins de plus en plus à chaque minute et bien heureusement, ils en avaient apportées plusieurs. Elle apportait également une chaleur aux deux hommes. Plus ils s'enfonçaient sous terre, plus la température était élevée.
Ils cheminaient à travers l'ombre depuis bientôt deux heures lorsqu'ils firent la rencontre d'une première âme errante. Cette dernière eut peur en voyant de simples mortels. Peu à peu, les deux héros se sentirent épiés à travers les ténèbres et le nombre des créatures s'accrut. Elles furent bientôt des milliers à les observer et nos deux compagnons durent se frayer un chemin en les menaçant de leurs armes. Les créatures, femmes et hommes confondus, avaient les visages horribles, leurs yeux étaient boursouflés, leurs bouches démesurées, leurs dents acérées, leurs mains aboutissaient à de très longs ongles fins, leurs corps frêles tremblaient, leurs pieds d'une noirceur absolue se mêlait parfaitement à l'obscurité du lieu. Elles avaient la peau sur les os si bien qu'on aurait pu les prendre pour des squelettes vivants avec leurs visages marqués par l'âge et la fatigue. Elles ne possédaient plus aucun trait humain. Leurs corps bouffis étaient abîmés et la puanteur qu'elles dégageaient était immonde, intenable.
Pourtant nos deux acolytes continuaient de sourire, de rire entre eux. Ils repoussaient ces goules hideuses avec une joie intense. Ils se moquaient d'elles, leur riaient à la face, les désignaient du doigt pour mettre en valeur leur corps atroces et visqueux. Leurs rires diaboliques retentissaient à leurs oreilles comme un grincement insupportable qui les firent fuir. Ils entendirent bientôt leurs pleurs apathiques, leurs marmonnements et leurs balbutiements ce qui ne fit qu'accroître encore plus leur hilarité. Désespérées, ses dernières se cachaient pour dissimuler leur honte. Ils s'essayèrent à imiter leurs visages ce qui accentua encore plus leur enthousiasme. Tellement ils les raillèrent que les bouches commencèrent à les faire souffrir quand une voix puissante et grave s'éleva :
« Qui êtes-vous pour déranger ainsi les âmes éternelles qui reposent à jamais en ces lieux désolés ? »
Ils venaient de faire la rencontre du gardien de la porte des Enfers. Et en effet, après s'être un peu approchés, une lumière vive pouvait s'apercevoir au loin. La chaleur du monde souterrain était plus forte et saisissante. Charon avait son chien à côté de lui, Cerbère ainsi était-il nommé. Grand de cinq mètres sur deux mètres de large, ses pattes étaient énormes, de la taille d'une tête d'homme, des flammes se promenaient sur tout le long de son corps, sa gueule béante comportait des dents immenses et son poil était long et gras.
Le plus âgé des deux hommes eut du mal à répondre dans la minute qui suivit. Il essuya les larmes de joies qui coulaient de ses yeux, calma son rire persistant et s'exclama :
« Nous sommes de nobles voyageurs insolites qui cherchent Hadès pour pouvoir s'entretenir de sa personne.
Vous êtes bien bruyants pour de simples mortels. Je n'ai jamais entendu un tel capharnaüm ! Pourquoi riez-vous ainsi ?
C'est que ces monstres là sont particulièrement affreux, dit-il avec un nouveau rire dissimulé. Je n'ai jamais vu de créatures si répugnantes !
Leur difformité les rend comique ! ajouta le jeune homme, en riant à gorge déployée.
Et quel est cet accoutrement ?
Je trouve nos vêtements tout à fait appropriés à la situation comique dans laquelle nous nous trouvons ! répondit-il en gloussant encore. N'êtes-vous pas d'accord ? Ils sont de conséquence !, bien que nous soyons au dix-neuvième siècle.
Nous aspirons à voir le maître de ces lieux et à le questionner sur la vie après la mort. N'est-ce pas normal de s'en préoccuper ? Nous sommes friands d'histoires et celle-là a l'air particulièrement intéressante, n'êtes-vous pas d'accord ? Nous avons parié que nous réussirions à le rencontrer ! Ayant perdu au jeu de carte, nous avons dû descendre dans ces tréfonds emplis de merveilles ! Je ne regrette pas ma descente, oh non !, si j'avais su que l'expérience serait aussi amusante et divertissante ! Et la somme en jeu n'est absolument pas modique, n'en doutez pas ! N'ayant rien à perdre, nous nous sommes mis en quête de la personne répondant au nom d'Hadès ! Peut-être pouvez-vous nous aider à le trouver ? Sinon cela fait plusieurs heures que nous marchons et un rafraichissement ne serait pas de refus ! Notre vie de misère ne nous permet pas d'accorder autant d'importance à notre vie. Après tout, c'est le cycle naturel de la vie, alors pourquoi nos congénères sont-ils si effrayés à quitter le monde des vivants ? Nous préférons profiter du temps pour nous amuser voyez-vous ! Ce monde là nous est inconnu, et nous serions ravis de le découvrir ! C'est une superbe opportunité d'évoluer ! Certes, on perd de vue nos amis mais n'est-ce pas l'occasion de mieux nous retrouver par la suite ? Surtout que le vôtre d'univers ne manque pas d'agrément ! Il a l'air d'être gigantesque ! Que de nouveaux lieux à découvrir ! Alors ? Comptez-vous nous faire attendre ici longtemps ? »
L'homme fit une nouvelle pause, calmé. Son regard se posa sur le chien Cerbère et son fou rire le reprit.
« Votre chien est bien mignon vous savez ! Il doit avoir un peu chaud non ? Vu l'odeur qu'il dégage il n'a pas dû être lavé depuis bien longtemps ! Vous ne disposez pas d'eau ici ? »
Il se mit à rire à pleins poumons et son voisin l'imita. Il éteignit sa torche tandis que son ami joua un air de flûte pour fête et ils continuèrent leur aventure, s'amusant autant que la vie le leur permettait.
La neige avait recouvert toute la surface du sol sur près de soixante-dix centimètres d'épaisseur, si bien que toute la population de cette région centrée autour de la ville de El'os avait dû interrompre, spécialement pour cet hiver là, toutes activités commerciales. Elles demeuraient trop dangereuses, à cause des brigands affamés bien entendu, et trop éprouvantes pour les chevaux qui tiraient les charrettes. Les hommes se débrouillaient donc quasiment seuls, tout de même encore accompagnés de leurs chiens pour des travaux essentiels tel que la chasse. Ils étaient littéralement coupés de toute voie de communication avec les grandes villes environnantes, comme Laott ou encore la cité défensive d'Ybajan.
Seuls les coursiers servaient à transmettre les informations mais malheureusement, ce métier était à risques. Les chances de mourir entre le départ et l'arrivée persistaient grandes, même quand les hommes avaient l'expérience du combat, étaient en bonne santé physique et équipés d'armes. De plus l'argent remis pour la tâche effectuée allait croissant en fonction de l'importance du renseignement transmis et parfois, l'on pouvait même voir certains destinataires décider eux-mêmes du nombre de pièces à donner, faisant fi des périls encourus.
Tout cela pour dire, cher lecteur, que ce n'était guère une vie facile que menait ces derniers et qu'il fallait réellement être dans une situation précaire pour envisager d'entrer dans une telle vocation. Par malheur, le nombre de ces fous suicidaires grandissait de jour en jour, le pays tout entier traversait, en effet, une passe économique difficile. Pour finir, imaginez-vous qu'un bon nombre de ces agents travaillaient également comme voleurs, profitant de la puissance procurée par leur arme pour dépouiller les voyageurs qu'ils trouvaient en chemins.
Pourtant, un homme voyageait seul, de nuit par temps brumeux. Il avançait lentement en s'enfonçant jusqu'au genou, à chaque pas, dans cette neige fraîche de la veille. Il provenait probablement de Hjorn, ou de Prisca peut-être, où les conditions climatiques paraissaient tout de même quelque peu meilleures. Il arriverait d'ici le lendemain à El'os, si telle était sa destination, mais pour le moment il s'approchait d'une auberge, invisible encore à ses yeux et pourtant déjà connue de son esprit. Qui était-il ? Vous pouvez légitimement vous le demandez, car c'est un des piliers phares de cette histoire que je vous conte.
C'était un homme de taille plutôt élevée, dans le mètre quatre-vingt, visage dissimulé sous une capuche. Il avait un physique correct sans paraître imposant. À dire vrai, il paraissait même plutôt maigre dessous son gros vêtement épais.
Il continua à progresser difficilement, puis après encore un bon quart d'heure de marche ardue, il la vit enfin et accéléra à l'idée de trouver un lieu chaud où il pourrait dîner et dormir en toute – ou presque – tranquillité.
Il posa finalement sa main sur la poignée de la porte, puis l'ouvrit doucement, appréciant pour quelques secondes supplémentaires le calme de la nature. Puis il s'infiltra dans le bâtiment en bois, d'où parvint à ses oreilles à la fois des rires tonitruants, des cris, mais aussi une belle voix fluette et enjolivée d'un instrument à cordes, un luth.
Peu de personnes remarquèrent son entrée. Les regards coulaient sur lui telle l'eau d'une cascade sur la roche. Il contourna un premier groupe de personnes pour aller s'assoir seul à une table vide et isolée dans un coin de la pièce. Il retira alors sa lourde cape, dévoilant un visage jeune et attirant sous des airs de fatigue, une peau blanche, une chevelure blonde avec des cheveux fins et courts et un nez aquilin. Il ne possédait pas, par contre et à première vue, de signe distinctif.
« Excusez-moi mademoiselle, dit-il de sa voix mielleuse en saisissant doucement le bras de la serveuse. Serait-ce possible de m'amener à manger et à boire je vous prie ? »
Cette dernière prit une petite seconde pour enregistrer ce visage mais ses yeux rencontrèrent alors son regard émouvant, puis ils coulèrent jusqu'à ses lèvres pour se laisser absorber par sa bouche délicate, ses lèvres fines, gercées par le froid. Elle se reprit rapidement, souffla un timide « oui » pour s'enfuir l'instant d'après vers les cuisines. Elle essaya bien de se souvenir des traits de l'apparence de cet individu sans pour autant y parvenir. C'était comme tenter de se rappeler l'histoire d'un rêve à l'éveil, souvenir si proche et qui pourtant prenait déjà la poudre d'escampette.
Elle revint, décidée ce coup-ci à scruter intensément son visage.
Seuls les coursiers servaient à transmettre les informations mais malheureusement, ce métier était à risques. Les chances de mourir entre le départ et l'arrivée persistaient grandes, même quand les hommes avaient l'expérience du combat, étaient en bonne santé physique et équipés d'armes. De plus l'argent remis pour la tâche effectuée allait croissant en fonction de l'importance du renseignement transmis et parfois, l'on pouvait même voir certains destinataires décider eux-mêmes du nombre de pièces à donner, faisant fi des périls encourus.
Tout cela pour dire, cher lecteur, que ce n'était guère une vie facile que menait ces derniers et qu'il fallait réellement être dans une situation précaire pour envisager d'entrer dans une telle vocation. Par malheur, le nombre de ces fous suicidaires grandissait de jour en jour, le pays tout entier traversait, en effet, une passe économique difficile. Pour finir, imaginez-vous qu'un bon nombre de ces agents travaillaient également comme voleurs, profitant de la puissance procurée par leur arme pour dépouiller les voyageurs qu'ils trouvaient en chemins.
Pourtant, un homme voyageait seul, de nuit par temps brumeux. Il avançait lentement en s'enfonçant jusqu'au genou, à chaque pas, dans cette neige fraîche de la veille. Il provenait probablement de Hjorn, ou de Prisca peut-être, où les conditions climatiques paraissaient tout de même quelque peu meilleures. Il arriverait d'ici le lendemain à El'os, si telle était sa destination, mais pour le moment il s'approchait d'une auberge, invisible encore à ses yeux et pourtant déjà connue de son esprit. Qui était-il ? Vous pouvez légitimement vous le demandez, car c'est un des piliers phares de cette histoire que je vous conte.
C'était un homme de taille plutôt élevée, dans le mètre quatre-vingt, visage dissimulé sous une capuche. Il avait un physique correct sans paraître imposant. À dire vrai, il paraissait même plutôt maigre dessous son gros vêtement épais.
Il continua à progresser difficilement, puis après encore un bon quart d'heure de marche ardue, il la vit enfin et accéléra à l'idée de trouver un lieu chaud où il pourrait dîner et dormir en toute – ou presque – tranquillité.
Il posa finalement sa main sur la poignée de la porte, puis l'ouvrit doucement, appréciant pour quelques secondes supplémentaires le calme de la nature. Puis il s'infiltra dans le bâtiment en bois, d'où parvint à ses oreilles à la fois des rires tonitruants, des cris, mais aussi une belle voix fluette et enjolivée d'un instrument à cordes, un luth.
Peu de personnes remarquèrent son entrée. Les regards coulaient sur lui telle l'eau d'une cascade sur la roche. Il contourna un premier groupe de personnes pour aller s'assoir seul à une table vide et isolée dans un coin de la pièce. Il retira alors sa lourde cape, dévoilant un visage jeune et attirant sous des airs de fatigue, une peau blanche, une chevelure blonde avec des cheveux fins et courts et un nez aquilin. Il ne possédait pas, par contre et à première vue, de signe distinctif.
« Excusez-moi mademoiselle, dit-il de sa voix mielleuse en saisissant doucement le bras de la serveuse. Serait-ce possible de m'amener à manger et à boire je vous prie ? »
Cette dernière prit une petite seconde pour enregistrer ce visage mais ses yeux rencontrèrent alors son regard émouvant, puis ils coulèrent jusqu'à ses lèvres pour se laisser absorber par sa bouche délicate, ses lèvres fines, gercées par le froid. Elle se reprit rapidement, souffla un timide « oui » pour s'enfuir l'instant d'après vers les cuisines. Elle essaya bien de se souvenir des traits de l'apparence de cet individu sans pour autant y parvenir. C'était comme tenter de se rappeler l'histoire d'un rêve à l'éveil, souvenir si proche et qui pourtant prenait déjà la poudre d'escampette.
Elle revint, décidée ce coup-ci à scruter intensément son visage.
La pluie tombait dru sur Quenir, petite ville littorale. Un brouillard épais empêchait les villageois de voir devant eux. Les sorties étaient rares, les rues désertes. Un lourd silence planait. Il faisait sombre.
Puis, un mouvement. Sur les quais, ce qui semblait être un homme, se déplaçait rapidement en direction d'une silhouette, à peine visible. Elle était là, près d'un conteneur, se tenait debout, avec une posture ferme. Quand l'autre individu s'approcha, elle s'adressa à lui :
« As-tu trouvé ce que tu cherchais ?
- L'humain ne semble pas ici, maître.
- Très bien, nous allons passer à la ville suivante alors. Rassemble-les et préparez-vous à vous mettre en route immédiatement.
- Maître, ils ont faim.
- Vous ne pouvez pas vous empêcher de manger au mauvais moment ! Il n'en est pas question ! Vous … »
Il fut interrompu par un autre homme qui s'approchait, une torche à la main.
« Empêche-les ! Personne ne doit savoir que nous sommes ici ! », s'écria-il.
Mais il était trop tard … Tandis que l'individu continuait de s'approcher, deux bêtes, toutes biscornues, lui sautèrent dessus. La première lui arracha la moitié de son cou, le tuant sur le champ.
La second l'atteignit quand il était déjà à terre, se vidant de son sang. Elle s'occupa du reste du corps, le torse, le ventre et les jambes. En près de cinq minutes, il ne restait plus que les os.
L'homme qui avait crié à voix basse s'était figé lorsqu'elles avaient commencé le travail. Peu à peu, il reprit ses esprits, revenant à lui comme s'il était revenu de la mort elle-même. Il avait le teint livide, pâle. Il avala sa salive avec beaucoup de discrétion, par peur de se faire surprendre. Au bout d'une nouvelle minute, il prit de nouveau la parole.
« Comment crois-tu que les habitants de cette ville vont réagir à la disparition d'un des leurs ? Ils essayeront de trouver une excuse valable, mais, derrière ça, ceux que nous cherchons vont s'y intéresser ! Ils pourront faire le rapprochement ! J'ai été nommé pour vous diriger et si vous voulez que cette mission arrive à son terme, vous devez m'obéir ! »
Il se tourna ensuite vers les deux créatures. Elles continuaient, inlassablement, à sucer et lécher les os restants. Elles étaient loin d'être rassasié et une proie supplémentaire n'aurait pas été de refus.
« Faîtes-moi disparaître ses restes et lavait moi le sol, il ne doit rester aucune trace ! »
Elles levèrent la tête et plantèrent le regard dans ses yeux. Il y lut une envie de meurtre, une envie de le manger. Il ne pouvait rien y faire et supporta ce regard abominable.
Elles réagirent enfin, après ce qui semblait une éternité et elles finirent de lécher le sang qui avait dégouliné sur le sol. Puis, elles ramassèrent les os, les cassèrent en petits morceaux avec une force incroyable et les jetèrent à l'eau. Les poissons finiraient le travail ...
Puis, un mouvement. Sur les quais, ce qui semblait être un homme, se déplaçait rapidement en direction d'une silhouette, à peine visible. Elle était là, près d'un conteneur, se tenait debout, avec une posture ferme. Quand l'autre individu s'approcha, elle s'adressa à lui :
« As-tu trouvé ce que tu cherchais ?
- L'humain ne semble pas ici, maître.
- Très bien, nous allons passer à la ville suivante alors. Rassemble-les et préparez-vous à vous mettre en route immédiatement.
- Maître, ils ont faim.
- Vous ne pouvez pas vous empêcher de manger au mauvais moment ! Il n'en est pas question ! Vous … »
Il fut interrompu par un autre homme qui s'approchait, une torche à la main.
« Empêche-les ! Personne ne doit savoir que nous sommes ici ! », s'écria-il.
Mais il était trop tard … Tandis que l'individu continuait de s'approcher, deux bêtes, toutes biscornues, lui sautèrent dessus. La première lui arracha la moitié de son cou, le tuant sur le champ.
La second l'atteignit quand il était déjà à terre, se vidant de son sang. Elle s'occupa du reste du corps, le torse, le ventre et les jambes. En près de cinq minutes, il ne restait plus que les os.
L'homme qui avait crié à voix basse s'était figé lorsqu'elles avaient commencé le travail. Peu à peu, il reprit ses esprits, revenant à lui comme s'il était revenu de la mort elle-même. Il avait le teint livide, pâle. Il avala sa salive avec beaucoup de discrétion, par peur de se faire surprendre. Au bout d'une nouvelle minute, il prit de nouveau la parole.
« Comment crois-tu que les habitants de cette ville vont réagir à la disparition d'un des leurs ? Ils essayeront de trouver une excuse valable, mais, derrière ça, ceux que nous cherchons vont s'y intéresser ! Ils pourront faire le rapprochement ! J'ai été nommé pour vous diriger et si vous voulez que cette mission arrive à son terme, vous devez m'obéir ! »
Il se tourna ensuite vers les deux créatures. Elles continuaient, inlassablement, à sucer et lécher les os restants. Elles étaient loin d'être rassasié et une proie supplémentaire n'aurait pas été de refus.
« Faîtes-moi disparaître ses restes et lavait moi le sol, il ne doit rester aucune trace ! »
Elles levèrent la tête et plantèrent le regard dans ses yeux. Il y lut une envie de meurtre, une envie de le manger. Il ne pouvait rien y faire et supporta ce regard abominable.
Elles réagirent enfin, après ce qui semblait une éternité et elles finirent de lécher le sang qui avait dégouliné sur le sol. Puis, elles ramassèrent les os, les cassèrent en petits morceaux avec une force incroyable et les jetèrent à l'eau. Les poissons finiraient le travail ...
Valen se réveilla brusquement en sursaut. Il transpirait amplement car son cauchemar l'avait profondément bouleversé. Ces derniers jours, semaines, il n'arrivait plus à dormir correctement, tout au plus quelques maigres heures par jour, quand il avait de la chance. De grosses cernes noires étaient apparues sous ses yeux, son corps ressentait cette énorme fatigue qu'il ne cessait d'accumuler, sans pouvoir rien n'y faire. Il se sentait troublé mais n'en avait toujours point trouvé la source. Peut-être les changements politiques récents l'influençaient-ils plus que ce qu'il ne voulait vraiment s'avouer ? Il ne savait pas, n'arrivait quasiment plus à réfléchir. Et ses journées n'étaient pas de tout repos, il devait continuer sa somme de travail colossale, inlassablement. Il demeurait peu fier de ses activités mais il fallait bien survivre, se disait-il, de mauvaise foi. Bien sûr, il aurait pu être un honnête homme plutôt que de voler les plus démunis, car en effet, il en avait eu l'opportunité. Mais son esprit perverti se trouvait manipulé à l'époque, si bien qu'il n'avait pas été en mesure de prendre des choix de son propre libre arbitre. Désormais il était trop tard : il ne pouvait faire marche arrière sans chuter. Il restait lier à son destin : celui d'un escroc, menteur et homme perfide, comme tous les autres comme lui. Mais il voyait une faible lueur d'espoir de voir véritablement, une nouvelle fois, la cité changer de régime et donc de règles. Peut-être, et d'où son malaise, sa vie viendrait à être modifiée. Le voulait-il vraiment ? Il savait qu'il était plutôt chanceux de son sort, même s'il n'en était pas satisfait. Mais le serait-il un jour ? Sa situation n'allait-elle pas, au contraire, s'effondrer, ainsi que tout ses espoirs ? Cette pensée le réconfortait dans son idée : il devait continuer son travail et cesser de réfléchir car s'il se trompait, ses aspirations disparaitraient et son moral n'en serait encore que plus ébranlé.
Il ressassait pourtant, sans arrêt, les possibilités qui s'ouvraient à lui s'il se produisait tel ou tel changement d'amélioration. Il cherchait à chaque événement probable une finalité pour déduire les causes et conséquences de cette dernière. Son sommeil s'en trouvait troublé : il remuait souvent, n'arrivait à dormir plus d'une heure de suite sans se réveiller pour être assailli à nouveau de troubles en tout genre. Son imagination était débordante, et il n'avait jamais appris à la maîtriser. Il le regrettait ardemment car il en subissait désormais les effets. Ironiquement, le seul moment où il pouvait reposer son esprit était durant son travail où il devait se forcer à se concentrer. Mais le corps montrait également des signes de fatigue et de maladies en progrès. Il s'affaiblissait bien plus vite qu'auparavant, tremblait lors d'efforts trop intenses.. Il lui aurait fallu une longue période pour récupérer. Mais peut-être celle-ci allait-elle arriver prochainement ? Et voilà qu'il était repartit à penser en rond, sans jamais réussir à s'appuyer sur des cheminements intellectuels fiables pour prévoir ses plans, tel le philosophe qui ne se contente pas d'une réponse sûre et universelle.
La fièvre l'emportait, il le sentait. Toute la nuit, par périodes, il avait froid puis chaud, et ainsi de suite et devait se couvrir en fonction. Les rêves l'avaient quitté depuis bien longtemps, trop longtemps même..
Laott était une des villes mères du royaume, voisine de la capitale Raxüav. En effet, elle appartenait aux Treize : Raxüa tout d'abord, au centre de la rosette, puis les villes adjacentes, Laott, Angok, Beleth, Aneck et enfin les villes frontières Sith, Exna, Fuinn, Chkra, Lynley, Hjorn, Elos et Idjana. La toute dernière, la plus récente était Darvon et avait été ajoutée au système de défense complexe du pays. En effet, cette rosette avait été mise en place pour pouvoir relier tous les villes entre elles par des routes sécurisées pour faciliter la transmission des informations. Ainsi, les lisières du territoire possédaient un haut mur de protection de plus de quatre mètres de haut sur trois mètres de large. Il suffisait à maintenir les hordes d'Esprits Malins à l'extérieur car ces derniers ne possédaient pas suffisamment d'intelligence pour pouvoir trouver un moyen de passer au dessus, en s'aidant d'échelles par exemple. Ils utilisaient donc leur force brute, si bien que parfois certains d'entre eux se jetaient littéralement, de toute leur force, contre l'obstacle. Des soldats entraînés restaient tout de même en permanence aux aguets sur les chemins de ronde pour surveiller l'activité ennemie avec des garnisons mobiles non loin à prévenir en cas d'urgence. De petits bourgs s'étaient installés tout en tour en conséquence pour pouvoir nourrir les hommes en retour de leur sécurité. La frontière connaissait la paix depuis désormais un demi-siècle mais pourtant les craintes demeuraient. Au tout début, le nombre d'Esprits Malins s'était révélé faible si bien que les Hommes avaient pu les chassaient aisément. Ils avaient malheureusement gagnés en puissance si bien qu'ils avaient fallu petit à petit construire des retranchements derrière lesquels se protéger. Mais des différents politiques avaient séparés l'île en deux : deux rosettes étaient nées, sur la même pensée de système de défense. Ils ne se faisaient pas la guerre, les échanges commerciaux filaient bon train et s'aidaient parfois mutuellement pour lutter contre la menace commune. Mais alors un souverain vaniteux s'éleva sur le trône du royaume de l'Ouest. Il désirait en apprendre plus sur leurs ennemis, au lieu de se contenter de rester en vie. Son attitude fut amplement critiquée et pourtant il tint tête au peuple et envoya son armée à l'extérieur en faisant malgré tout, preuve d'énorme patience. Il fut rapidement à cours d'informations sur l'avancée de ses troupes : ses messagers n'arrivaient jamais à revenir en vie. La crainte se saisit de lui et il patienta durant deux longues et effroyables années sans réponse. Puis, le peuple furieux se souleva et renversa leur monarque. Des troubles en découlèrent : les finances de l'état avait été dilapidées dans cette tentative de conquête, l'armée manquait donc cruellement de soldats. Ils se trouvaient trop peu nombreux à surveiller le monde extérieur, pourtant les forces militaires n'étaient pas toutes parties mais la plus grande partie était occupée à protéger le roi. Les murs de protection furent donc délaissés et les monstres créèrent bientôt des brèches et s'infiltrèrent. Le royaume entier fut bientôt envahi, et nul ne put les arrêter. Les survivants vinrent se réfugier dans la seconde partie de l'île tandis que la première disparaissait entièrement, engloutie.
L'erreur servit grandement de leçon mais les historiens s'interrogent encore aujourd'hui sur ce qui a bien pu arriver à l'armée envoyée. Malheureusement, peu détiennent la réponse et ne souhaitent ou ne peuvent pas la partager..
Et puis, il y a soixante années, naquit un jeune homme vigoureux et ambitieux au Nord-Est. Il voulait poursuivre le projet du feu souverain, certes en prenant plus de précautions cette fois-ci. Il monta en grade petit à petit et suggéra au roi une nouvelle tentative. Il était bien trop dangereux de son point de vue, de se laisser abattre par ces Esprits Malins, ou de ne rien faire. Il fut envoyé, accompagné d'une grande troupe, pour conquérir et c'est ce qu'il fit. Il n'arriva pas jusqu'à la mer, mais réussit à avancer considérablement et agrandit ainsi le mur d'enceinte, si bien qu'il bouleversa les idées préconçues des habitants. Pour ces derniers, c'était pure folie que s'aventurer vers l'extérieur. La ville Idjana naquit de ce rude combat, la rosette s'en trouva complétée. Vingt années passèrent, pendant lesquelles les lieux furent renforcés, puis c'est au Sud-Est que la relève fut prise. Il était ardu de pouvoir amener des constructeurs assez courageux pour pouvoir supporter la pression et la peur mais ils réussirent. Il fallut huit années pour bâtir la cité, huit années où l'armée était sans cesse en conflit, de jour comme de nuit. Leurs ennemis ne semblaient pas avoir besoin de dormir, ou très peu car ils connurent tout de même des périodes, plus ou moins longues, de tranquillité. Une fois la ville achevée, ce fut la frontière qui subit une amélioration. Elle s'arrêtait auparavant à la lisière du désert de l'Ouman, alors que désormais ce dernier était à l'intérieur du royaume, puis fut détournée pour passer plus au sud en coupant la rivière Prisca par trois fois. Le mur d'enceinte restant à l'intérieur fut détruit naturellement pour pouvoir assurer l'ouverture vers cette nouvelle partie monde, encore inconnue des habitants. Dernièrement, de nouveaux débats étaient ouverts pour savoir si les expéditions devaient continuer, afin d'agrandir encore plus le territoire. Le problème étant de savoir si l'on pouvait par la suite le protéger, si l'on en avait les moyens.
Il ressassait pourtant, sans arrêt, les possibilités qui s'ouvraient à lui s'il se produisait tel ou tel changement d'amélioration. Il cherchait à chaque événement probable une finalité pour déduire les causes et conséquences de cette dernière. Son sommeil s'en trouvait troublé : il remuait souvent, n'arrivait à dormir plus d'une heure de suite sans se réveiller pour être assailli à nouveau de troubles en tout genre. Son imagination était débordante, et il n'avait jamais appris à la maîtriser. Il le regrettait ardemment car il en subissait désormais les effets. Ironiquement, le seul moment où il pouvait reposer son esprit était durant son travail où il devait se forcer à se concentrer. Mais le corps montrait également des signes de fatigue et de maladies en progrès. Il s'affaiblissait bien plus vite qu'auparavant, tremblait lors d'efforts trop intenses.. Il lui aurait fallu une longue période pour récupérer. Mais peut-être celle-ci allait-elle arriver prochainement ? Et voilà qu'il était repartit à penser en rond, sans jamais réussir à s'appuyer sur des cheminements intellectuels fiables pour prévoir ses plans, tel le philosophe qui ne se contente pas d'une réponse sûre et universelle.
La fièvre l'emportait, il le sentait. Toute la nuit, par périodes, il avait froid puis chaud, et ainsi de suite et devait se couvrir en fonction. Les rêves l'avaient quitté depuis bien longtemps, trop longtemps même..
Laott était une des villes mères du royaume, voisine de la capitale Raxüav. En effet, elle appartenait aux Treize : Raxüa tout d'abord, au centre de la rosette, puis les villes adjacentes, Laott, Angok, Beleth, Aneck et enfin les villes frontières Sith, Exna, Fuinn, Chkra, Lynley, Hjorn, Elos et Idjana. La toute dernière, la plus récente était Darvon et avait été ajoutée au système de défense complexe du pays. En effet, cette rosette avait été mise en place pour pouvoir relier tous les villes entre elles par des routes sécurisées pour faciliter la transmission des informations. Ainsi, les lisières du territoire possédaient un haut mur de protection de plus de quatre mètres de haut sur trois mètres de large. Il suffisait à maintenir les hordes d'Esprits Malins à l'extérieur car ces derniers ne possédaient pas suffisamment d'intelligence pour pouvoir trouver un moyen de passer au dessus, en s'aidant d'échelles par exemple. Ils utilisaient donc leur force brute, si bien que parfois certains d'entre eux se jetaient littéralement, de toute leur force, contre l'obstacle. Des soldats entraînés restaient tout de même en permanence aux aguets sur les chemins de ronde pour surveiller l'activité ennemie avec des garnisons mobiles non loin à prévenir en cas d'urgence. De petits bourgs s'étaient installés tout en tour en conséquence pour pouvoir nourrir les hommes en retour de leur sécurité. La frontière connaissait la paix depuis désormais un demi-siècle mais pourtant les craintes demeuraient. Au tout début, le nombre d'Esprits Malins s'était révélé faible si bien que les Hommes avaient pu les chassaient aisément. Ils avaient malheureusement gagnés en puissance si bien qu'ils avaient fallu petit à petit construire des retranchements derrière lesquels se protéger. Mais des différents politiques avaient séparés l'île en deux : deux rosettes étaient nées, sur la même pensée de système de défense. Ils ne se faisaient pas la guerre, les échanges commerciaux filaient bon train et s'aidaient parfois mutuellement pour lutter contre la menace commune. Mais alors un souverain vaniteux s'éleva sur le trône du royaume de l'Ouest. Il désirait en apprendre plus sur leurs ennemis, au lieu de se contenter de rester en vie. Son attitude fut amplement critiquée et pourtant il tint tête au peuple et envoya son armée à l'extérieur en faisant malgré tout, preuve d'énorme patience. Il fut rapidement à cours d'informations sur l'avancée de ses troupes : ses messagers n'arrivaient jamais à revenir en vie. La crainte se saisit de lui et il patienta durant deux longues et effroyables années sans réponse. Puis, le peuple furieux se souleva et renversa leur monarque. Des troubles en découlèrent : les finances de l'état avait été dilapidées dans cette tentative de conquête, l'armée manquait donc cruellement de soldats. Ils se trouvaient trop peu nombreux à surveiller le monde extérieur, pourtant les forces militaires n'étaient pas toutes parties mais la plus grande partie était occupée à protéger le roi. Les murs de protection furent donc délaissés et les monstres créèrent bientôt des brèches et s'infiltrèrent. Le royaume entier fut bientôt envahi, et nul ne put les arrêter. Les survivants vinrent se réfugier dans la seconde partie de l'île tandis que la première disparaissait entièrement, engloutie.
L'erreur servit grandement de leçon mais les historiens s'interrogent encore aujourd'hui sur ce qui a bien pu arriver à l'armée envoyée. Malheureusement, peu détiennent la réponse et ne souhaitent ou ne peuvent pas la partager..
Et puis, il y a soixante années, naquit un jeune homme vigoureux et ambitieux au Nord-Est. Il voulait poursuivre le projet du feu souverain, certes en prenant plus de précautions cette fois-ci. Il monta en grade petit à petit et suggéra au roi une nouvelle tentative. Il était bien trop dangereux de son point de vue, de se laisser abattre par ces Esprits Malins, ou de ne rien faire. Il fut envoyé, accompagné d'une grande troupe, pour conquérir et c'est ce qu'il fit. Il n'arriva pas jusqu'à la mer, mais réussit à avancer considérablement et agrandit ainsi le mur d'enceinte, si bien qu'il bouleversa les idées préconçues des habitants. Pour ces derniers, c'était pure folie que s'aventurer vers l'extérieur. La ville Idjana naquit de ce rude combat, la rosette s'en trouva complétée. Vingt années passèrent, pendant lesquelles les lieux furent renforcés, puis c'est au Sud-Est que la relève fut prise. Il était ardu de pouvoir amener des constructeurs assez courageux pour pouvoir supporter la pression et la peur mais ils réussirent. Il fallut huit années pour bâtir la cité, huit années où l'armée était sans cesse en conflit, de jour comme de nuit. Leurs ennemis ne semblaient pas avoir besoin de dormir, ou très peu car ils connurent tout de même des périodes, plus ou moins longues, de tranquillité. Une fois la ville achevée, ce fut la frontière qui subit une amélioration. Elle s'arrêtait auparavant à la lisière du désert de l'Ouman, alors que désormais ce dernier était à l'intérieur du royaume, puis fut détournée pour passer plus au sud en coupant la rivière Prisca par trois fois. Le mur d'enceinte restant à l'intérieur fut détruit naturellement pour pouvoir assurer l'ouverture vers cette nouvelle partie monde, encore inconnue des habitants. Dernièrement, de nouveaux débats étaient ouverts pour savoir si les expéditions devaient continuer, afin d'agrandir encore plus le territoire. Le problème étant de savoir si l'on pouvait par la suite le protéger, si l'on en avait les moyens.
La rue dans laquelle se baladait Nays était reconnue pour être dangereuse. Les riches l'évitaient, les pauvres s'y engouffraient. C'était la même histoire chaque jour pour Nays. Il faisait des allers-retours entre le port et le centre de la ville.
Il se baladait, se renseignait pour trouver du travail et ce depuis maintenant plusieurs semaines. Les habitants n'avaient pas confiance ici. Les voleurs, les malhonnêtes y étaient trop nombreux pour que Nays ait l'espoir de trouver ce travail dont il rêvait tant.
Personne n'osait placer sa confiance en quelqu'un, que celui-ci ait un physique attirant ou non. C'est ainsi que l'on passe des mois à s'ennuyer. Pourtant Nays ne perdait pas courage. Tous les matins, il partait avec une humeur joyeuse, une envie de vivre sur le visage.
Bientôt, il aurait quelques problèmes à payer son loyer. Sa dernière chance pour trouver du travail lui semblait trop dangereuse. Matelot. Ce n'était pas un rêve de beaucoup de jeunes hommes de son âge. Certes, la découverte l'attirait mais il n'aimait pas s'éloigner de chez lui. Nays entendit un bruit de bateau. Il savait qu'aujourd'hui, l'Aurore, un des plus rapides bateaux de cette ville, allait s'amarrer sur Ybajan. Il savait aussi qu'il avait de grandes chances pour être pris en tant que matelot. C'était un des principaux métiers ici. Métiers légaux, bien évidemment.
« Si d'ici ce soir je ne trouve rien, je te promet que je m'engage pour l'Aurore ! »
Ce petit jeune, âgé d'une vingtaine d'années, un peu moins, parlait à sa défunte mère. Celle-ci avait été remportée quelques années auparavant par une maladie bien connue dans le pays et par les matelots : le scorbut. Elle avait eu comme idée d'entreprendre un grand voyage pour découvrir de nouvelles richesses, de nouvelles terres.
Ils étaient partis avec une cinquantaine de matelots et deux bateaux pour ne revenir qu'à vingt sans n'avoir rien découvert d'autre qu'une petite île protégée par un brouillard épais.
Il n'avait jamais connu son père, celui-ci avait disparu, sûrement par peur de m'avoir eu, pensait Nays. Il se dirigea vers les tavernes les plus proches. Les matelots revenus de voyage vont souvent dans ces endroits là et la main d’œuvre y est donc demandée. Il connaissait un peu le patron de celle-là. Yemen s'appelait-il.
« Yemen ! Je viens …
Ah, te voici enfin ! Je me demandais si tu allais passer. J'ai réfléchi à ta demande et je ne peux pas gérer tout seul. Ma femme est malade, alors tu es pris ! Tu tombes vraiment bien ! »
Nays passa toute la journée à la taverne, à servir les matelots et autres clients. Plus la soirée approchait et plus la taverne se remplissait. Elle était constituée d'une porte double battant centrée qui laissait l'air circulait à l'intérieur. La pièce contenait une grande table en plein milieu puis des petites sur les côtés. Les matelots se rassemblaient autour de la grande pour discuter tandis que d'autres préféraient s'isoler comme cet homme qui portait une cape et un capuchon sombre lui permettant de camoufler son visage.
Le soleil s'était couché depuis plusieurs heures. En été, par ici, il fait jour jusqu'à tard, dans les alentours de vingt et une heures. C'est dans ces heures là que les matelots partent se coucher. L'atmosphère était lourde, et soudain, un groupe d'hommes armés poussèrent a porte et entrèrent.
La soirée était mal partie, tout le monde pouvait s'en douter. Les voleurs sont d'habitude par groupe de deux ou trois, tout au plus. Là, ce n'était pas des voleurs. Deux restèrent dehors, en cas de fuite probablement. Le chef du groupe se dirigea vers l'homme isolé que j'avais particulièrement remarqué. Celui-ci ne bougea pas et garda la tête basse. Les matelots se levèrent et l'un deux s'écria :
« Laissez le en paix. »
De suite, Yemen intervint.
« Si vous voulez vous battre, faîtes ça dehors. Je ne veux pas d'histoire ici, c'est compris ? »
Le chef du groupe sortit alors sa large main de sa poche et la posa sur l'épaule de l'étranger. Tout le reste se passa trop vite aux yeux de Nays pour qu'il puisse comprendre la scène qui s'était déroulée sous ses yeux. Les matelots foncèrent sur les deux hommes face à eux et les envoyèrent contre le mur. L'homme capuchonné avait saisi le bras de son adversaire pour lui plaquer la tête contre la tête puis il lui faucha les jambes. Il le récupéra à terre, le souleva et l'envoya rejoindre les deux autres hommes. Les trois colosses sortirent leurs épées. C'était bien plus dangereux face à des hommes armés. Ils étaient cinq contre six. Deux des matelots prirent des tables pour les lancer. Yemen s'en mêla, prit deux bouteilles et fonça. Ce n'était pas sa première bagarre. Souvent, il avait affaire à des groupes qui semaient le bordel dans sa taverne. Mais cette fois, les hommes n'étaient pas n'importe qui. Ils étaient mercenaires et les mercenaires savent bien se battre. L'inconnu sortit deux couteaux et en planta un dans l'abdomen de son ennemi pour ensuite passer derrière lui et lui trancher la gorge. Les voleurs menacent mais ne tuent que rarement. Les morts apportent des ennuis. Ils comprirent tous que cet homme n'était pas ordinaire. Trois des matelots bloquèrent un autre de leur adversaire pour le rouer de coups. Nays se précipita pour ramasser l'épée et ainsi rentrer dans la mêlée. Il avait remarqué que les deux hommes qui gardaient l'entrée avaient sorti des arbalètes. Cette arme est très puissante à de courtes distances. Elle peut faire un trou béant de la taille d'un poing sans aucun problème dans un corps. Le chef du groupe était en combat singulier avec l'assassin.
Il ne restait plus que deux hommes. Un carreau d'arbalète jaillit alors et transperça Yemen. Un deuxième traversa le bras d'un des matelots. Nays sauta sur le la porte à double battant pour planter son épée dans la jambe d'un des arbalétriers. Il fit ensuite une roulade et bloqua les bras du mercenaire. Un matelot en profita pour lui envoyer son poing au visage qui le sonna. Le dernier mercenaire blessa légèrement deux hommes avec qui il était aux mains et subi un sort identique à celui de son compagnon. Le chef était mort par l'inconnu, une épée dans le ventre. Nays se précipita de suite sur Yemen. Celui-ci était mort sur le coup, la tête renversée sur le côté. L'homme capuchonné murmura deux mots :
« Suis-moi. »
On se dispersa rapidement, les clients sortirent en cri et les gardes ne tardèrent pas à arriver. Nays et l'homme s'étaient éloignés. Ils s'arrêtèrent dans une rue.
« Je prend le bateau demain, je fais partit de l'Aurore. Engages-toi sinon tu risques la prison. Je compte faire route vers Khazad où un ami m'attend. A demain. »
Et il disparut dans le crépuscule de la nuit.
Il se baladait, se renseignait pour trouver du travail et ce depuis maintenant plusieurs semaines. Les habitants n'avaient pas confiance ici. Les voleurs, les malhonnêtes y étaient trop nombreux pour que Nays ait l'espoir de trouver ce travail dont il rêvait tant.
Personne n'osait placer sa confiance en quelqu'un, que celui-ci ait un physique attirant ou non. C'est ainsi que l'on passe des mois à s'ennuyer. Pourtant Nays ne perdait pas courage. Tous les matins, il partait avec une humeur joyeuse, une envie de vivre sur le visage.
Bientôt, il aurait quelques problèmes à payer son loyer. Sa dernière chance pour trouver du travail lui semblait trop dangereuse. Matelot. Ce n'était pas un rêve de beaucoup de jeunes hommes de son âge. Certes, la découverte l'attirait mais il n'aimait pas s'éloigner de chez lui. Nays entendit un bruit de bateau. Il savait qu'aujourd'hui, l'Aurore, un des plus rapides bateaux de cette ville, allait s'amarrer sur Ybajan. Il savait aussi qu'il avait de grandes chances pour être pris en tant que matelot. C'était un des principaux métiers ici. Métiers légaux, bien évidemment.
« Si d'ici ce soir je ne trouve rien, je te promet que je m'engage pour l'Aurore ! »
Ce petit jeune, âgé d'une vingtaine d'années, un peu moins, parlait à sa défunte mère. Celle-ci avait été remportée quelques années auparavant par une maladie bien connue dans le pays et par les matelots : le scorbut. Elle avait eu comme idée d'entreprendre un grand voyage pour découvrir de nouvelles richesses, de nouvelles terres.
Ils étaient partis avec une cinquantaine de matelots et deux bateaux pour ne revenir qu'à vingt sans n'avoir rien découvert d'autre qu'une petite île protégée par un brouillard épais.
Il n'avait jamais connu son père, celui-ci avait disparu, sûrement par peur de m'avoir eu, pensait Nays. Il se dirigea vers les tavernes les plus proches. Les matelots revenus de voyage vont souvent dans ces endroits là et la main d’œuvre y est donc demandée. Il connaissait un peu le patron de celle-là. Yemen s'appelait-il.
« Yemen ! Je viens …
Ah, te voici enfin ! Je me demandais si tu allais passer. J'ai réfléchi à ta demande et je ne peux pas gérer tout seul. Ma femme est malade, alors tu es pris ! Tu tombes vraiment bien ! »
Nays passa toute la journée à la taverne, à servir les matelots et autres clients. Plus la soirée approchait et plus la taverne se remplissait. Elle était constituée d'une porte double battant centrée qui laissait l'air circulait à l'intérieur. La pièce contenait une grande table en plein milieu puis des petites sur les côtés. Les matelots se rassemblaient autour de la grande pour discuter tandis que d'autres préféraient s'isoler comme cet homme qui portait une cape et un capuchon sombre lui permettant de camoufler son visage.
Le soleil s'était couché depuis plusieurs heures. En été, par ici, il fait jour jusqu'à tard, dans les alentours de vingt et une heures. C'est dans ces heures là que les matelots partent se coucher. L'atmosphère était lourde, et soudain, un groupe d'hommes armés poussèrent a porte et entrèrent.
La soirée était mal partie, tout le monde pouvait s'en douter. Les voleurs sont d'habitude par groupe de deux ou trois, tout au plus. Là, ce n'était pas des voleurs. Deux restèrent dehors, en cas de fuite probablement. Le chef du groupe se dirigea vers l'homme isolé que j'avais particulièrement remarqué. Celui-ci ne bougea pas et garda la tête basse. Les matelots se levèrent et l'un deux s'écria :
« Laissez le en paix. »
De suite, Yemen intervint.
« Si vous voulez vous battre, faîtes ça dehors. Je ne veux pas d'histoire ici, c'est compris ? »
Le chef du groupe sortit alors sa large main de sa poche et la posa sur l'épaule de l'étranger. Tout le reste se passa trop vite aux yeux de Nays pour qu'il puisse comprendre la scène qui s'était déroulée sous ses yeux. Les matelots foncèrent sur les deux hommes face à eux et les envoyèrent contre le mur. L'homme capuchonné avait saisi le bras de son adversaire pour lui plaquer la tête contre la tête puis il lui faucha les jambes. Il le récupéra à terre, le souleva et l'envoya rejoindre les deux autres hommes. Les trois colosses sortirent leurs épées. C'était bien plus dangereux face à des hommes armés. Ils étaient cinq contre six. Deux des matelots prirent des tables pour les lancer. Yemen s'en mêla, prit deux bouteilles et fonça. Ce n'était pas sa première bagarre. Souvent, il avait affaire à des groupes qui semaient le bordel dans sa taverne. Mais cette fois, les hommes n'étaient pas n'importe qui. Ils étaient mercenaires et les mercenaires savent bien se battre. L'inconnu sortit deux couteaux et en planta un dans l'abdomen de son ennemi pour ensuite passer derrière lui et lui trancher la gorge. Les voleurs menacent mais ne tuent que rarement. Les morts apportent des ennuis. Ils comprirent tous que cet homme n'était pas ordinaire. Trois des matelots bloquèrent un autre de leur adversaire pour le rouer de coups. Nays se précipita pour ramasser l'épée et ainsi rentrer dans la mêlée. Il avait remarqué que les deux hommes qui gardaient l'entrée avaient sorti des arbalètes. Cette arme est très puissante à de courtes distances. Elle peut faire un trou béant de la taille d'un poing sans aucun problème dans un corps. Le chef du groupe était en combat singulier avec l'assassin.
Il ne restait plus que deux hommes. Un carreau d'arbalète jaillit alors et transperça Yemen. Un deuxième traversa le bras d'un des matelots. Nays sauta sur le la porte à double battant pour planter son épée dans la jambe d'un des arbalétriers. Il fit ensuite une roulade et bloqua les bras du mercenaire. Un matelot en profita pour lui envoyer son poing au visage qui le sonna. Le dernier mercenaire blessa légèrement deux hommes avec qui il était aux mains et subi un sort identique à celui de son compagnon. Le chef était mort par l'inconnu, une épée dans le ventre. Nays se précipita de suite sur Yemen. Celui-ci était mort sur le coup, la tête renversée sur le côté. L'homme capuchonné murmura deux mots :
« Suis-moi. »
On se dispersa rapidement, les clients sortirent en cri et les gardes ne tardèrent pas à arriver. Nays et l'homme s'étaient éloignés. Ils s'arrêtèrent dans une rue.
« Je prend le bateau demain, je fais partit de l'Aurore. Engages-toi sinon tu risques la prison. Je compte faire route vers Khazad où un ami m'attend. A demain. »
Et il disparut dans le crépuscule de la nuit.
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