Titans in da Place - Ze retourne - Kissi vs Déca

  • Auteur de la discussion DeletedUser162
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DeletedUser23729

Guest
Comme le texte de Killer a été piquer par le Père Noël, je vous postes le texte de Kissifrott et le jour où le Père Noël rendra le texte, je mettrai le vote.

Le robot de bois


Les hommes suaient à grosses gouttes. Le déchargement de la dernière fournée de charbon de bois, la plus laborieuse, annonçait la fin de la journée. Il fallait ensuite profiter du crépuscule, entre lumière et obscurité, pour rentrer au village.

Les quatre travailleurs achevaient de ranger leurs pelles lorsqu’une silhouette se dessina à l’orée de la clairière. Personne ne l’aperçut immédiatement, masquée par le soleil rasant. Une série de claquements se fit alors entendre. Dans un sursaut commun, tous se retournèrent, peu habitués à recevoir de la visite, mais surtout inquiet de cet étrange bruit. Ils plissèrent les yeux, certains main en visière, afin d’identifier un nouveau venu qui ne se cachait pas.

Au premier abord, il s’agissait d’un homme, un peu petit, mais dans le genre trapu. Sauf que la vue s’affinant, les charbonniers devinaient des formes trop anguleuses, carrées, pour appartenir au genre humain. La démarche légèrement syncopée accroissait le malaise ambiant. La créature, faute de nom, s’arrêta à distance raisonnable avant de lever péniblement un bras, accompagné de ses cliquetis secs et rugueux, déjà caractéristiques à leurs oreilles.

Aucun charbonnier n’entama un quelconque geste, paralysé dans une façade d’intimidation. Ils pouvaient enfin détailler du regard leur étrange visiteur. Et ce n’était pas pour les rassurer. La chose, couverte de nombreux glyphes à chaque articulation ainsi que sur tout le front et la poitrine, reprit sa marche mécanique. L’écriture à même le corps rougeoyait de plus en plus fort, et le pas devenait plus saccadé encore.

La tension était à son paroxysme lorsque la machine – le mot s’imposait à l’esprit des ouvriers – tendit une pince vers un morceau de charbon. Ce simple geste dégrisa toutes les forces en présence, comme un électrochoc. On ne touche pas au fruit d’un dur labeur. Trois des travailleurs empoignèrent leurs pelles et se déchainèrent sur la créature qui se retrouva à terre, sur le monceau charbonneux.

Le benjamin de la troupe vit alors, sans comprendre, les inscriptions sur la tête et les pectoraux de la machine virer du rouge à un blanc vif. Des clapets se rétractèrent à différent endroits de son anatomie et émirent des sifflements à briser les tympans. Les trois hommes surplombant la créature s’effondrèrent, hérissés d’aiguilles fumantes. Seulement alors, le jeune homme ressenti une douleur intense dans la jambe et l’épaule gauche. Pour autant, dans un instinct de survie féroce, le dernier charbonnier passa outre et s’enfuit en clopinant vers le village.

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Je brûle de l’intérieur. Pourquoi ne me donne-t-il pas de charbon pour me soulager ? Que les braises de mon cœur artificiel brûlent autre chose que ma carcasse de bois. Les coups métalliques ne me font pas mal, ma seule souffrance n’est que brûlure. Et pourtant, je sens la fureur du feu s’emparer de moi. J’expulse.

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Le village était en proie à l’agitation. Le retour du jeune charbonnier n’était pas passé inaperçu. A son chevet, la guérisseuse et son assistant enlevèrent délicatement les aiguilles. Elle en observa une attentivement, perplexe, à l’aide de sa pince pendant que son apprenti pansait les plaies du blessé. Elle sentait encore un léger halo de chaleur autour de l’arme longue comme sa main et fine comme une tige de marguerite. Comment peut-on tuer avec un objet qui semble aussi frêle ? Elle tenta de le briser en deux, en vain. Ce n’était pourtant que du bois. L’acier casserait plus facilement.

- Quelque chose ne va pas, Kalia ? demanda le doyen.

La réponse en suspens prit tout son sens dans le silence. Personne dans la petite assistance n’osait prendre la parole devant tant de mystère. Si l’on pouvait palper l’atmosphère à pleines mains, les doigts aurait sentis dans cristaux givrés tant tout le monde retenait son souffle, dans une immobilité propre à l’hiver.

La glace ne fut brisée que par le cri au haro du bûcheron. Bien que certaines de ses préoccupations devait être bien terre à terre puisque cette attaque concernait une part de son gagne-pain, son appel trouva un écho parmi les plus excités du village. On est peut-être des culs-terreux, mais on a notre fierté, criaient-t-il pour se justifier. Ils ne savaient rien de leur ennemi et pourtant, les voilà prêt à partir à l’assaut, fourches, marteaux et autre armes hétéroclites en mains.

Alors que cette milice improvisée armée de bric et de broc s’éloignait déjà, le convalescent s’éveilla.

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J’ouvre ma mandibule inférieure et écrase le charbon pour l’ingérer. Je n’étais plus que fureur et douleur. Quel soulagement de sentir la chaleur refluer uniquement dans mes appareillages vitaux. Je ne comprends toujours pas pourquoi ces humains n’ont pas voulu me laisser me servir si le charbon me fait tant de bien. Le maître m’en donnait toujours. J’ai cru un moment que ce combustible me serait nocif et qu’ils voulaient me prévenir. Ma carapace refroidit et virent au noir. Mon scintillement ne m’éclaire plus suffisamment, je décide de passer en mode veille.

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En tête du cortège, la colère laissa place à un sentiment d’inquiétude diffus. La nuit tombée, des torches avaient été allumées. Une brise légère jouait avec les flammes, provoquant un étrange ballet d’ombres, entre courbes et pointes. Certains témoins des paroles du survivant avant son coma ressassaient la description de l’agresseur, d’une façon différente à chaque fois à cause du manque de détails. La chose n’était que fureur et sons, une silhouette indistincte et scintillante crachant des aiguilles brûlantes dans un sifflement assourdissant.

Le pas le plus lent possible, ils débouchèrent pourtant rapidement sur la carrière. Qu’elle ne fut pas leur surprise lorsqu’ils virent presque immédiatement à la lueur de leurs torches l’agresseur, debout, tête penchée vers l’avant, comme endormi. La troupe s’arrêta devant, formant un arc de cercle à une distance raisonnable. La créature ressemblait à un gros bout de bois calciné, craquelé et noircit de partout, avec une forme humanoïde.

- C’quoi cette chose ? dit un des membres de la troupe.

A ces simples mots, la chose s’éveilla. Ou plutôt, s’alluma. Des glyphes rougeoyants apparurent sur la tête et recouvrirent progressivement le reste du corps à partir de cet épicentre. La chose releva alors la tête d’un geste brusque et découvrit ses yeux de verre jusque-là cachés par des volets coulissants.

La foule rassemblée hérissa d’un même geste leurs bêches, fourches et gourdins de fortune en reculant inconsciemment d’un pas. L’homme de bois embrassa de son regard vide l’assemblée en pivotant de façon inhumaine son cou. Les hommes tressaillirent, ne sachant comment réagir à la situation.

Ce qui faisait office de bouche à la créature ce mit à clinquer à un débit rapide.

L’assemblé fit encore un pas en arrière. Certains apostrophèrent la créature. Uniquement pour faire bonne mesure.

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Je ne comprends pas les humains. Je comprends leurs paroles, mais je ne comprends pas les sens qui se cachent derrière. « Qu’est-ce que je fais là ? » Pourquoi cette question anodine les met dans une posture d’auto-défense ? J’aimerais tant pouvoir communiquer avec eux. C’est étrange. Pour la première fois de ma vie, je souhaite quelque chose. Toujours j’attendais les ordres de mon maître. Mon maître, mon créateur, le seul à comprendre mon langage. Mon souhait ne serait jamais né sans mon émancipation. Je comprends enfin la phrase de mon mentor. « Va chercher la liberté. » Une douce sensation s’empare de ma poitrine. J’aimerais tant que les humains me comprennent. Mais je ne peux que communiquer par ces claquements. Alors je communique comme je le peux.

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La tension monta d’un cran lorsque la lueur du glyphe le plus imposant, au niveau du cœur, redoubla d’intensité. Un frisson parcouru le rassemblement. Les piques étaient brandies, plus menaçantes que jamais. Mais la foule ne reculait plus. Un accord inconscient s’était emparé d’eux ; on ne recule plus, on est chez nous, on est ensemble.

Un membre de cette milice improvisée, conscient de cette nouvelle motivation, lança alors sa fourche dans un élan de bravoure et d’idiotie. Elle toucha sa cible. Seulement, cela se limita un coup dans l’eau, l’arme ricochant comme une simple pomme de pin sur le tronc d’un arbre.

Pourtant, la créature réagit mal. Tout du moins, les hommes rassemblés le supposait lorsque les symboles sur la poitrine de la créature virèrent dangereusement du cramoisi à un blanc éblouissant. Toute la volonté de la foule ne pouvait rien face à ce sentiment de peur intime et étouffant, tous reculèrent d’un pas supplémentaire. L’héroïque idiot sentit couler jusqu’à ses chausses un liquide chaud. Il recula de trois pas.

Le clapet-mandibule de la chose redoubla d’activité.

¤¤¤

Pourquoi ? Le jet de l’objet ne m’a pas fait mal. Mon corps est tellement dur qu’il en est presque indestructible. Mon maître disant qu’il avait fait en sorte de fossiliser celui-ci grâce à une chaleur intense. L’idée lui-était venue en observant la nature. C’est ce qu’il me disait. D’ailleurs, mon maître aussi me lançait toutes sortes d’objets sur moi. Il me traitait d’expérience raté. Je ne m’en offusquais pas. A l’époque, je ne connaissais pas le concept de colère. Il était mon maître, j’étais son serviteur. Alors pourquoi ? Pourquoi aujourd’hui je ressens ce mal dans ma poitrine ? Je ne souffre pourtant pas. La seule douleur que je connais, c’est la brûlure. Frustration, colère, dépit. Aujourd’hui, j’appréhende ces concepts, ceux dont mon maître me parlait, mais que je ne comprenais pas. Je ne comprends toujours pas, mais je le sais désormais, je dois chercher par moi-même la réponse. « Moi-même », encore une idée saugrenue. Mon cœur souffre d’un mal nouveau, mais je ne brûle pas de l’intérieur. Je dois comprendre. Je dois me faire comprendre.

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Le lourd silence de la foule avait laissé place à un brouhaha d’invectives assez folklorique. Un « tête de crapaud noir » résonna sans que personne n’en saisisse le sens. « Monstre carré » était la plus relayé, peut-être car il s’agissait de la plus significative. Mais ce tohu-bohu paradoxalement rendait l’air plus respirable. Tout le monde se libérait d’un poids à moindre risque, la créature ne semblant pas réagir à cette affreuse cacophonie. Le silence semblait bien plus dangereux.

Pourtant, ce dernier revint au galop. L’étrange créature de bois essayait tant bien que mal de se faire entendre, son simili de bouche agité d’une fureur inextinguible et de plus en plus forte. La rupture eu lieu quand sa mandibule rompit sous le coup de sa frustration. Les glyphes parcourant sa tête changèrent alors eux aussi de couleur, vers ce blanc que tous avec déjà catalogué ainsi : danger. La scène n’était plus qu’une peinture, forte de sens dans son image, sourde dans sa conception. La foule offrait le spectacle d’un hérisson, compact et piquant. La chose, elle, dévoilait ses petits clapets mécaniques, gueules affreuses d’où pouvait surgir à tout instant la mort.

La peur planait au-dessus de la carrière. Elle saisissait tous les protagonistes, humains, oiseaux et créatures.

Un cri déchira la toile de ce tableau en-dehors du temps. « Arrêtez ! »

La voix du jeune charbonnier résonna à l’orée de la carrière, faible, et pourtant si audible. Il se relevait laborieusement, un genou à terre. A côté de lui, la guérisseuse du village. Celle-ci avait porté le convalescent sur son dos jusqu’ici. La conviction de son patient vibrait encore entre ses oreilles lorsque celui-ci avait pris la parole après son réveil. Elle s’était alors transcendée pour l’amener sur les lieux du drame, bien aidée par son physique imposant de la matrone qui ne s’en laisse pas remontrer.

« Ne faites pas de folie » furent les seuls autres mots que daigna lancer le charbonnier à l’assemblée. Boitant, trainant la patte, le souffle rauque de la personne à l’article de la mort, il s’approcha par sa simple volonté auprès de la créature. Il leva alors la main. Impossible de toucher la créature tant la chaleur irradiait de sa carcasse mécanique.

- Tu chauffes, dit le jeune homme en esquissant un sourire.

Ce visage plein de sérénité apaisa son vis-à-vis. Ses clapets se refermèrent de façon sonore, et les symboles recouvrant son corps reprirent son irisation tranquille, expurgé de ce blanc où la peur suintait d’une manière viscérale.

Le charbonnier se tourna alors vers ses concitoyens, ses amis pour beaucoup. La même famille. Il leur adressa la parole.

- Allez chercher la lance à incendie près de la citerne, et ramenez la ici.

Personne ne réagit dans l’instant, un air de béatitude à gober les mouches.

- Faites-moi confiance, reprit le jeune homme. Il se retourna vers la créature et lui répéta. Fais-moi confiance.

Les plus lucides s’activèrent dans un concert de soulagement, comme s’ils avaient trouvé la solution. Pourtant, aucun ne comprenait les tenants et les aboutissants de leurs actes. Pas même le charbonnier. Un être de bois brûlait de l’intérieur. Il suffit de l’arroser.

Et c’est ce qu’ils firent. Ils connectèrent la pompe à la lance et l’actionnèrent assez difficile l’engin légèrement grippé par la rouille.

La créature accueillit ce jet salvateur stoïquement, inexpressive comme sa condition de machine le lui imposait. Durant un temps, l’inquiétude sourdait encore dans la poitrine de chacun, leur cœur jouant du tambourin à une vitesse folle. Tous restaient impassibles, excepté ceux qui s’évertuaient sur la pompe. Rien ne se passait.

Les minutes défilaient. Ou peut-être le secondes seulement. Le temps était suspendu, arrêté par le souffle de la foule. La nature elle aussi inspirait et expirait dans un même instant.

Un spectacle incroyable se passa alors sous les yeux de tous. Les glyphes de la créature perdirent s’atténuèrent jusqu’à s’éteindre. Ils furent alors recouverts par un ensemble de branches noueuses comme du lierre. Elles jaillissaient de la poitrine de la créature pour s’enrouler tout autour de son corps, dans un ballet de bourgeonnements.

La lance à incendie cracha une dernière goutte d’eau.

¤¤¤

La sensation de l’eau est merveilleuse. J’aimerais tant que cela ne s’arrête jamais. J’avais déjà connu la pluie, mais la quantité n’était pas suffisante pour m’offrir ce sentiment de bien-être extatique. Je regrette déjà de voir les petits hommes stopper leur engin à eau. Petits hommes ? Je regarde mes pieds. Ils sont loin. J’ai beaucoup grandi. Je lèvre une jambe. Quelle incroyable mobilité ! Un rire s’échappe de ma gorge. Je suis vivant !
 
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DeletedUser162

Guest
Bon, sincèrement, ça me démotive cette affaire. Je suis juste dégoûté.
J'espère que vous apprécierez ce texte, car c'est le dernier que je posterais ici.

Bonne lecture.
 

DeletedUser

Guest
Même si tu as été seul à participer je te déclare gagnant ! :)

Sinon, très bon texte ! J'adhère totalement à ton style d'écriture ! Même s'il manque quelques mots ou quelques lettres il me semble ;)
l’actionnèrent assez difficile l’engin légèrement grippé par la rouille.

Enfin, vraiment un bon texte, avec une histoire sympathique, un style bien sympa mais j'ai toujours le même problème avec ce genre de texte : La fin ! :p
Moi j'aurai aimer une happy end haha :D

Merci à toi Kissi et je comprend ta réaction
Je comprend même pas pourquoi le texte de Killermat est pas là :(
 

DeletedUser162

Guest
Ahah, mais c'est une happy end. En fait, c'est ma version de la création de l'ent, protecteur des forêts. Au début simples robots, avant de devenir un être vivant à part entière. Pour une fois que j'avais l'idée de la fin dès le début de mon écriture, il est vrai que j'aurais pu faire un peu mieux peut-être, ou au moins expliciter.

En ce qui concerne ma réaction, c'est surtout que la non-participation de Killermat tombe comme un cheveu sur la soupe, sans explication (ou plutôt si, mais très obscure, merci Père Noël). Et dans la foulée, on publie mon texte sans demander, alors que j'aurais très bien pu attendre encore. Donc je débarque, je vois mon texte publié sans préavis, très moyen. Je n'irais pas plus loin dans mes reproches en public, mais j'ai le sentiment d'être un peu pris pour un con.

En tout cas, merci de ton commentaire jahestlà, ça fait plaisir. Il est possible qu'il y ait des des fautes et des mots/lettres oublié(e)s (ma grande spécialité), je ne me suis relu qu'une seule fois.
 

DeletedUser28195

Guest
Je rejoins Jah, c'est un très beau texte. Il y a eu quelques erreurs, mais l'ensemble est très bien. J'aime bien comment tu as dévoilé petit à petit la "vie" du robot, et tu as donné le point de vue de ce dernier, c'était très intéressant :)

Oui c'est dommage que les participants aient laché, cela aurait pu être une belle battle ;(
 
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DeletedUser25941

Guest
J'ai découvert ce sujet suite au message de appaloosa, et je ne suis pas déçu !
J'ai beaucoup aimé ton texte, il est joliment écrit et très agréable à lire. J'aime beaucoup les "transitions" entre la pensé du robot et celles des gens du village.
En tout cas si tu lis mon message, bon travail ;)
Bonne soirée.
 

DeletedUser162

Guest
Et bien merci à vous. Merci à MV de m'avoir prévenu de nouveaux commentaires, comme je ne passe plus vraiment sur le forum.
Content que ça vous ait plu. Je viens de me relire pour l'occasion, et je me dis que j'aurais pu faire des choses bien différemment avec ce recul, mais l'idée de fond me plaisait bien en tout cas. n'hésitez pas à lire les autres textes de ma galerie si elle n'a pas été archivée ;)
 
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