Récit d'un prisonnier de l'existence.

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Récit d'un prisonnier de l'existence​




Je suis prisonnier, j'ai fauté, quelle faute me diriez-vous?
J'en ai aucune idée à vrai dire. En ce moment même, je me retrouve assis sur une chaise, en bois de chêne de provenance Turque, comme l'indique l'étiquette métallique ancrée dans le dossier, sous mon bras droit.
J'assiste à ce genre de discussion servant aux prisonniers de se livrer aux autres, une sorte de thérapie de groupe pour exprimer ses douleurs, pleurer, et ne plus garder son fardeau pour soi-même.
Mais quel fardeau pensais-je. Chaque matin, où au lieu d'entendre des oiseaux chanter pour démarrer une journée si douce et frugale, je me retrouve face à des barreaux, qui m'interrogent.
Au dessus de ma cellule est écrit sur une plaque de fer rouillé : prisonnier de l'existence.
-Ne te plains pas de ta place ici, tu l'as mérité. Cette phrase sèche provenait d'un autre prisonnier, assis sur ma droite. Il me regardait fixement, comme s'il attendait que je prenne la parole.
Il lança alors:
-C'est à votre tour de parler. Ça y est apparemment le violeur de chèvres ayant écopé de 6 mois de prison plus une amende destinée au possesseur de l'animal de 1450 euros a finit son discours, et c'est à moi de m'exprimer.
Je me concentre. Que vais-je dire? L'heure la plus longue de mon histoire allait débuter. Je dois me confier, il aurait été judicieux de savoir pourquoi. Qu'ai-je fais pour me retrouver dans cette sombre salle à l'odeur renfermée?
-Allez, lance toi prisonnier de l'existence. Dis nous ce que tu .. penses être, parles nous de ta liberté passée.



-Bonjour, comme c'est à mon tour de parler,je dois dire ce que je pense être, ce que je suis.
Elle fut difficile à sortir cette première phrase, comment décrire ce qu'on est? Qu'est donc, être quelqu'un?
-Nous t'écoutons, dis calmement l'homme deux chaises sur ma gauche, un homme qui lui semblait savoir pourquoi il était là.
Ça y est, je commence.
-Je suis... Moi, un homme, l'évolution d'une espèce s'étant construite de cellules dont personne ne connait l'existence. Il y a des milliards de moi sur cette planète. La planète Terre, qui comme son nom l'indique est construite de terre, terre, terre, terre... ça signifie quoi d'ailleurs ce mot? Qui a pu se lever le matin en se disant qu'il habitait sur un globe appelé Terre?... Qu'est ce que je dis encore moi...? Ça n'a aucun sens, bref repartons.
On me désigne comme un homme, j'enregistre, c'est bon, affirmatif, j'ai maintenant un nom. On me décrit comme observateur, j'observe la beauté du monde et en dégage un avis plutôt critique. Comme possessif, cette beauté m'interpelle au plus au point et j'ai besoin qu'elle devienne mienne.
Je m'imaginais alors au volant de la nouvelle Mercedes SLK, avec son toit qui rentre automatiquement dans le coffre. J'aurais la sacré classe. Enfin les regards sont braqués sur moi et je me remet à divaguer...
-Excusez moi, je suis donc cet homme, et ce qui est mon essence de vie , c'est la jalousie, ce moteur qui consomme de plus en plus continuellement. Ce qu'ont les autres habitants de ma planète de bien, je le veux. Mon voisin est riche j'ai envie de l'être. Mon collègue a une jolie femme, je la convoite. Les stars du rock se retrouvent dans des soirées UP, comme j'aimerais être à leur place... Mais... est-ce que j'en ai besoin?
J'entendis alors des gloussements de gorge parcourir la salle, comme s'ils voulaient mettre un terme à ma parole. Les regards de personnes assises autour de moi semblaient se concerter, mal à l'aise, et des frissons désagréables commençaient à parcourir mon dos où des gouttes de sueur froide coulaient d'une douceur inquiétante. Mais maintenant partis, je ne pouvais plus que continuer mon discours... et affirmer que je suis quelqu'un, un homme...


-Ben oui merde! Criai-je. Que sont ces regards colériques pointés en ma direction? Qu'ai-je dis?
N'est-il pas véridique que vous courez après une perfection, un idéal? Vous êtes tous, comme moi dans cette prison car vous êtes obsédés par les désirs humains...
-Je pense que tu vas trop loin avec tes généralités, gloussa Nicolas, l'homme est assis en face de moi.
-Trop loin? M'exclamai-je, Comment expliques-tu le fait que tu sois ici? Pourquoi as-tu braqué cette banque parisienne si ton but n'était pas de t'enrichir?
-Je ne suis pas une généralité tu sais, je n'ai fais que...
-Que suivre la maxime des actions de l'homme, dis-je en lui coupant très sèchement la parole.
Oui tu as fais cela car ton but était de le faire, ton objectif était de t'enrichir! Et pourquoi?! Qu'est-ce qu'il y a dans la richesse qui fixe tous les yeux?! L'homme a fondé une société poussant chaque pensée, chaque décision à se porter en fonction de cette pièce ronde métallique qu'est la monnaie! Certains vendent leurs gosses pour se l'approprier...
-Et qu'est-ce qui est mal là dedans? demanda une femme de la réunion?
-Nous sommes bien dans une prison? M'exclamai-je.
-Comment ça? Répondit-elle, comme si la question était exubérante.

Il se passe des choses étranges dans ce lieux, je ne sais plus où je suis, j'en arrive à oublier qui je suis, et pourquoi je suis là ... Où est-elle ma faute? Est-ce le fait d'être esclave à ce mode de vie qui m'amène dans cette salle?
-Nous allons simplifier les choses, répondis-je. Je fixais un à un les voisins dans les yeux et lançais : Qu'aimeriez vous être?
A ce moment les yeux brillèrent, et tous prirent la parole.
-Du calme, chacun pourra s'exprimer, ne vous en faites pas. Cette question semblait avoir touché un point sensible.
Nicolas repris la parole:
-Être riche, avoir une belle voiture et de beaux habits selon mes envies, dit-il avec enthousiasme. Les autres acquiescèrent.
-Et donc tu affirmes ne pas faire partie de cette généralité qui ne peux vivre sans convoiter ce qu'a le prochain? Elles sont donc synonyme de quoi tes fringues? Tes chaussures Lacoste, ta chemise luxueuse Hugo Boss, et ton jean Diesel? Tu es tellement obnubilé par le regard des autres que tu portes même une ceinture contre-faite Dolce & Gabanna ... Tu veux ce que tout le monde affiche, ce qui est l'IDEAL de l'homme depuis deux millénaires. Pourquoi allons nous tous nous masturber le corps dans des salles de musculation si ce n'est pas pour ressembler aux idoles de Dior placardées dans tous les magazines de mode? Te démarques tu des autres? Ou bien convoites tu sans cesse ce qu'a ton prochain même quand cela est inutile?
Ne me répond pas, je connais ta réponse. Tout homme sur Terre en 2000 ans a construit ce qui est devenu sa drogue … Elle est omniprésente, et devenue si logique qu'on ne la remarque plus. C'est d'ailleurs cette drogue qui nous a tous mené ici même, dans cette prison.

-Une prison? balbutia Nicolas.

-Bien sûr! Rétorquai-je. Tu ne les vois pas ces multimilliardaires qui passent leur vie à nous vendre leurs merdes dans le seul but d'acquérir des richesses ?! Ils nous poussent à posséder le rêve qu'ils affichent avec des photographies géantes sur les murs, les arrêts d'autobus, les maisons, le sol, les taxis, la façade des immeubles en cours de ravalement, les meubles, et même à la campagne. Et nous les consommons ... à des fins logiques : Être riche, être bien, être nous même, et l'être car nous voulons être quelqu'un, exister aux yeux de tous, nous démarquer d'une norme.... C'est dont ça le but de la vie? Cette possession de rêve systématique, est-ce cela l’idéal ?

Les regards se baissèrent.
Pourtant, initialement, je ne faisais que me décrire, mais je trouve que mon cas semble de plus en plus universel et mon débat, ou plutôt mon monologue parait de plus en plus piquant.

-Nous courrons après la perfection, après le bonheur, n'est-ce pas? Repris-je. Il y a une définition à redéfinir si l’on établit que passer sa vie à vouloir chaque nouveauté apporte le bonheur. Quand à force d’économie vous réussirez à vous payer la voiture de vos rêves, elle sera déjà démodée. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente et vous convoiterez toujours la nouvelle.
Une course, cette drogue qui nous pousse à favoriser qu'une seule chose : notre apparence.
Je suis un homme, j'ai grandis, je me suis corrompu, je me suis trompé, je me rends esclave...

Vous savez quoi? Le premier terme qui me vient à l'esprit pour désigner cette planète Terre c'est l'acharnement. La télévision nous a appris à croire qu’un jour on serait tous des millionnaires, des dieux du cinéma ou de grandes personnalités, mais c’est faux ! Résultat, les hommes acceptent des emplois miteux en se faisant insulter par leurs clients ... Nous courrons en vain après quelque chose d'inaccessible ...


Soudain, les regards de mes conjoints semblèrent se concerter entre eux et mes amis me regardèrent délicatement.
-Benjamin, c'est bien tout ça mais le repas refroidit...

Je regardais alors autour de moi et ne vis aucune trace de prison, les chaises de chêne au milieu d'une prison auraient du m'alerter. Mais de quoi? Je semblais avoir divagué.
-Tu es sûr que tu vas bien? Lança une personne de la table.
-Oui! Oui ... enfin je crois.

Qu'était-ce donc cette prison?
Une idée me sembla lucide et perspicace. Une prison a l'air libre? Voilà pourquoi je parlais du globe... Le monde s'est tellement corrompu de lui même qu'il s'est enfermé dans une bulle d'où on ne peut point le sortir.
Allez dire à un cadre payé 5500 euros net par mois qu'il doit s'habiller chez Jules, qu'il doit rouler en Clio et ne pas faire attention au regard des autres. De même, allez dire à un smicard que la vie du cadre n'a rien d'éblouissante et qu'il doit se contenter à sa vie où l'excès n'est pas permis. Une goutte de rêve, un soupçon d'espérance, une cuillerée d'idéal ainsi qu'une lichette de possession et le monde s'est refermé sur lui-même. Ils semblaient heureux à déguster un repas à table mais n'étaient pas prêt de se douter que les barreaux qui sont les très courtes limites de leurs pensées construites sur trois fois rien les a enfermé à jamais dans une ère de soumission à l'obsession.

Puisqu'il en est ainsi, je continuerai à vivre cette soumission sans y faire attention.
-J'arrive! Lançais-je aux amis réunis autour de la table. Je viens remplir mon ventre de la satiété du rêve …


En résultat, sommes nous quelqu'un
Ou Personne?​
 
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DeletedUser

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Modification sur l'ensemble faite ce jour, de manière à avoir une lecture plus lisible ainsi que de corriger des erreurs.
 

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J'ai tout lu :p

Sérieux , j'adore tes textes , je trouve que sa nous fait réfléchir comme voulu ;)

Je ne suis pas fan de lecture donc je ne pourrais détailler mais j'aime :eek:
 

DeletedUser

Guest
J'aime beaucoup ce genre de textes ça fait réfléchir à beaucoup de choses
Bravo;)
 
Dernière édition par un modérateur:

DeletedUser720

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meuh


tu en retire ce que tu veut

juste un gros bravo amigo;)
 

DeletedUser

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...:)
 
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