Un potager s'endort, la nuit généreuse apporte aux fruits et légumes une fraiche couverture d'obscurité. Seule et bienveillante, la Lune regarde tendrement les végétaux, comme une jardinière passionnée.
Mais elle craint minuit sonnant, car se réveillera alors une vilaine laitue qui sèmera pagaille, discorde et autres mauvaises graines! Croit-on, tout du moins, qu'il s'agit d'une salade, sans vouloir la vexer; car en réalité il en est tout autrement. Venant de la planète Lactuca, aux confins de la galaxie, elle a posé ses racines revêtues d'acier sur une colline biscornue au vert gazon, de là elle a observé le Monde et a blasphémé en changeant son nom: « Ce monde ne se nommera plus Onze, il se nommera Bégéland, car les Bégés, ça en jette grave, et que Bégéland, ça pète le style comme nom de monde et que si quelqu'un à un problème contre mon initiative, bah je le décitronchonne, ok?! » Nous ne ferons pas mention alors de la chute de l'extraterrestre qui s'est gaufré lamentablement en voulant faire un pas en avant et qui fit finalement la descente du relief sur les fesses. En effet, la tonte de l'herbe était encore très fraîche.
Elle y est remontée à l'aide d'un sèche-cheveux arraché aux mains d'une autochtone en peignoir. Tout autre guerrier mâle aurait profité de l'occasion et assouvi ses besoins les plus instinctifs, mais une laitue n'est attirée que par d'autres laitues (il arrive néanmoins des relations avec les aubergines et les carottes, mais elles font souvent de grands scandales). Oui, ce que j'ai oublié de vous dire, c'est que c'est une salade mâle.
Ce traître sol séché et ainsi rendu inoffensif eut alors une bien désagréable surprise. Voilà que l'envahisseur plante en son sommet un drapeau aux étranges motifs …
La colline _ Flûte!! C'est quoi ce scénario! J'en ai marre de m'en prendre plein la tronche, y a plus de respect pour les éléments du décor de nos jours! Déjà que l'autre jour, il y a eu la foutue dragonne d'Eragon qui m'a cramé la plante du pied droit ... un beau géranium que ça faisait quinze ans que je le gardai à l'abri des conneries de ces porteurs de plume de mes deux ... Mais maintenant ça suffit, c'en est trop : je me casse!!!
La laitue _ Mais non, non, … pars pas, je … je vous aime! Tenez, je vous laisse tirer une latte sur une de mes feuilles.
La colline _ Crève, j'en veux pas de ta grosonfliture, je me barre.
La laitue _ Mais c'est de la bonne, goûtez!
La colline _ N'insiste pas, gros pois chiche. T'es qu'une burlanche, je m'en vais.
[Note de l'auteur : Ce n'était vraiment pas prévu dans le scénario ça, désolé du désagrément et du langage particulièrement vulgaire de cet élément du décor insignifiant. Je vous payerai un couscous un de ces quatre printemps, et je m'occupe de suite d'aller décitronchonner ce tas de terreaux pestilentiels]
Le conquérant récemment arrivé partit s'installer. D'un village sans maître il a pris possession en se posant comme de rien sur son trône. Les villageois le lendemain, loin d'être surpris, sont venus l'acclamer et se prosterner. Ils ont dû, par le passé, avoir d'autres rois bien plus originaux.
Et chaque nuit depuis, accompagné de cavaliers légers aux casques-citrouilles et d'autres excentricités armées, ce petit aventurier verdâtre venu d'ailleurs vient semer le chaos dans le grand potager qu'est Bégéland.
